Du 2 au 8 février, la Semaine de prévention du suicide se tient pour la 30fois d’affilée au Québec, avec pour mot d’ordre: « Parler du suicide sauve des vies ». Dans le même temps, les dernières données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) révèlent une diminution du nombre de décès par suicide dans la province, passant ainsi du premier rang national au cinquième.

Si le taux de suicide québécois reste élevé, avec une moyenne de trois suicides et 80 tentatives par jour, notamment chez les hommes entre 50 et 64 ans (80 % des décès par suicide), les moyens mis en place depuis plusieurs décennies pour prévenir le suicide portent leurs fruits.

La tranche d’âge qui connaît la plus forte baisse du nombre de décès par suicide depuis les années 2000 est celle des jeunes. « Les études réalisées ont permis de mieux comprendre la santé mentale des jeunes et ainsi mieux dépister les tendances suicidaires. On médicamente mieux, ce qui a également conduit à une baisse du taux de suicide », explique Lucie Pelchat, conseillère à la formation au sein de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS). 

Chaque année, l’AQPS forme des milliers d’intervenants et de sentinelles, professionnels et citoyens, à la prévention du suicide. « Le but est d’outiller au mieux ceux qui interviennent afin de les aider à mieux reconnaître les indices de détresse », indique la conseillère. « Quel que soit le type d’intervention, il est essentiel d’accueillir la souffrance de l’autre sans jugement et de mettre des mots sur ce qu’il vit », insiste, quant à lui, Marc-André Dufour, psychologue clinicien engagé dans la prévention du suicide depuis plus de vingt-cinq ans.   

Culte de la perfection et de la performance 

Dans son livre « Se donner le droit d’être (mal)heureux », paru le 22 janvier 2020 aux éditions Trécarré, Marc-André Dufour alerte sur le fait qu’il n’est jamais trop tôt pour prévenir le suicide. « Il ne faut pas attendre d’être à quelques mètres du précipice pour agir », résume-t-il.

Le psychologue souhaite faire prendre conscience au grand public de la normalité des sentiments de souffrance et de vulnérabilité, souvent perçus comme une faiblesse au sein d’une société qui voue un culte à la perfection et à la performance. Il désire aussi désacraliser une pratique qui tend, elle, à se normaliser : le suicide.

Une dizaine d’années auparavant déjà, un sondage réalisé pour l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) révélait que 42 % des Québécois estimaient que le suicide était acceptable, une tendance qui a peu ou pas évolué, souligne Lucie Pelchat. Selon elle, l’acceptation d’un tel geste serait profondément liée à l’individualisme et à l’idée que se font les sociétés modernes de la liberté.

« Lorsqu’on arrive au bout de nos options, notre impression est biaisée par la souffrance, le suicide n’est pas un choix. […] Une personne suicidaire est semblable à une personne en état d’ébriété qui désire prendre le volant de sa voiture pour rentrer. Mais elle n’est pas capable de prendre des décisions raisonnables pour elle-même. Dans ce cas, on lui retire ses clés pour éviter qu’elle ne commette un acte irréversible », explique-t-elle.

Pour l’auteur Marc-André Dufour, tout citoyen est en capacité d’être agent de prévention du suicide. Chaque personne possède une responsabilité individuelle, celle de veiller à sa propre santé mentale, et peut contribuer à celle de ses proches en libérant la parole autour de la souffrance à laquelle tout être humain est confronté au cours de son existence.