La question de la langue française a occupé une bonne place dans la campagne électorale québécoise de 2022. Abritant la jeunesse et l’avenir du territoire, les Cégeps font partie prenante du débat sur la place de la langue majoritaire et des langues minoritaires, surtout l’anglais, au Québec. Aujourd’hui, l’anglais apparaît comme une des première langues parlées dans le monde. D’où une importance accordée à la question par les partis politiques en lice pour les élections provinciales.

Lors d’un débat électoral au Cégep anglophone public Champlain de Sainte-Lawrence dans la ville de Québec, les candidats de la circonscription de Jean-Talon issus des partis de Québec solidaire (QS), du Parti québécois (PQ), du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti autonomiste, étaient invités à parler en anglais face à des étudiants majoritairement francophones. Anglicisation ? Logique usuelle pour un enseignement en anglais ? Pour Julie White, candidate de la circonscription de Jean-Talon pour le PLQ, la division n’est pas la réponse à cet enjeu majeur : « On ne doit pas mettre les anglophones et les francophones les uns contre les autres. Moi-même j’ai étudié dans un CÉGEP anglophone et ça ne m’empêche pas aujourd’hui de parler français et anglais. » Au contraire, Gabriel Coulombe du PQ et Stéphane Pouleur d’Équipe autonomiste, ont refusé de parler anglais durant le débat, estimant absurde l’utilisation d’une langue minoritaire. Ces choix posent des questions dans un contexte où le français perd de plus en plus de son assise dans un territoire pourtant dominé par cette langue. Selon Statistiques Canada, la proportion de personnes parlant principalement français est passée de 82,3 % en 2001 à 77,5 % en 2021. Selon le magazine Geo, l’anglais était en 2020 la langue la plus parlée dans le monde avec 1, 268 milliard de locuteurs, talonnée par le chinois mandarin.

Au Québec, il existe plusieurs Cégeps, Collèges d’enseignement général et professionnel, dispensant le premier niveau de l’enseignement supérieur. En majorité publics, il en existe une soixantaine qui sont francophones, selon l’Association québécoise pour l’équité et l’inclusion au post-secondaire. Les Cégeps publics anglophones sont une dizaine. Nombre d’étudiants y étant souvent étrangers, la langue la plus parlée est l’anglais. Or, avec les élections provinciales, la question de l’identité linguistique québécoise continue d’être posée avec en creux, la peur d’une possible disparition de la langue française dominante.

Une action politique pour légiférer, entraînant des critiques

La loi 96, proposée par la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault  et adoptée le 24 mai 2022, tente de renforcer la présence du français au Québec en obligeant notamment les étudiants des cégeps anglophones à suivre au moins trois cours en français et en gelant la proportion d’arrivée des étudiants dans les collèges anglophones par rapport à ceux de la province. Cette loi a suscité des réactions des chefs de partis. Eric Duhaime, chef du Parti conservateur québécois, contre la loi 96, se disait en février 2021, contre le projet d’agrandissement du Cégep Dawson, plus grand Cégep anglophone du Québec, lancé puis annulé par le gouvernement Legault. Pourtant, en août 2022, il entretenait un flou en évoquant avant tout la nécessité, pour chaque Cégep, d’un « financement égal par tête de pipe, peu importe la langue de l’étudiant ». Dominique Anglade, du PLQ, aussi contre la loi 96, appelait quant à elle à rendre optionnels les cours de français rendus obligatoires par le gouvernement Legault et à abolir le gel des places en Cégeps anglophones. En mai 2022, le PQ faisait sensation en lançant une campagne de pub au slogan dénonciateur – « Agissons avant qu’il ne soit too late » –, afin d’exiger du gouvernement québécois de réserver la fréquentation des Cégeps anglophones à la minorité de langue anglaise. QS exigeait en février 2022, avec le PQ, de rediriger les fonds de l’agrandissement du collège Dawson vers des cégeps francophones. Toutefois, la députée solidaire Ruba Ghazal pointait le risque de l’élitisme via le gel des places en cégep anglophone, nuançant la position du parti sur la question.

Entre la volonté de préserver l’identité linguistique québécoise et la réalité mondiale de l’avancée de l’anglais, ces positions politiques témoignent d’un enjeu politique encore vivace dans les élections provinciales.