« Parler du suicide sauve des vies » : c’est le thème retenu pour cette 30semaine nationale de prévention du suicide, qui se déroulera du 2 au 8 février prochains à Québec. Mais à l’association GRIS-Québec, la perspective n’est pas la même. Pour éviter de susciter des idées suicidaires dans l’esprit des jeunes, l’association préfère le suivi individualisé.

« On ne fait pas de prévention du suicide en groupe, pour éviter de déclencher des pensées suicidaires chez les jeunes. Les groupes de parole sont réservés à des sujets positifs comme l’estime de soi ou l’acceptation », explique Miguel Deshaies, coordinateur des services d’intervention à GRIS-Québec. Formé au Centre de prévention du suicide, c’est lui qui s’occupe principalement de « l’Accès », un milieu de vie situé dans les locaux de l’association, dans lequel les jeunes LGBTQ+ de 14 à 21 ans peuvent se rencontrer et échanger.

L’éventail des réalités vécues par les jeunes LGBTQ+ ne permet pas d’établir de « profils-types » dans l’évaluation des risques de suicide. « Cela a plutôt à voir avec le moment où le ou la jeune se situe dans son processus de questionnement ou de dévoilement », raconte Miguel Deshaies. Le caractère informel de L’Accès crée des liens avec les jeunes, ce qui rend le risque de suicide plus facilement détectable : « Dès qu’on perçoit un changement d’attitude, on bascule en suivi plus rapproché. »

Le suivi psychosocial des jeunes permet d’évaluer la gravité du risque de suicide, grâce aux outils donnés lors de la formation par le Centre de prévention du suicide. « Code vert » lorsque le jeune fait part de pensées suicidaires. « Code jaune » lorsque l’intervenant estime qu’un « filet de sécurité sociale » est nécessaire, « c’est-à-dire la sollicitation de gens qui peuvent aider, dans son entourage ». Enfin « Code rouge » : « Là, c’est direction l’hôpital et on contacte les parents. » Une manière d’appréhender le risque même si d’autres facteurs entrent en jeu lors de l’évaluation du jeune.

Quand le risque de suicide est élevé, les intervenants de GRIS-Québec vont même jusqu’à accompagner le ou la jeune à l’hôpital, lorsque l’accord a été donné : « On reste là-bas un moment : comme on les connaît bien, on peut apporter des éléments manquants. Dans ces moments-là, les jeunes ne disent pas forcément tout. » Le risque suicidaire est d’ailleurs l’un des seuls cas de figure -avec l’homicide- où briser le secret professionnel est envisageable.

Faire disparaître le mal-être  

Le travail de « démystification » de la population en matière d’identité de genre est encore insuffisant, d’après Miguel Deshaies. Selon son expérience, il y aurait « beaucoup plus de cas chez les personnes trans et non-binaires. » Un chiffre qu’il explique par la détresse psychologique que ces personnes, touchées dans leur identité profonde, sont susceptibles de ressentir lorsqu’elles sont mégenré.e.s par les autres et non reconnues telles qu’elles se définissent. Depuis 2016, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec interdit la discrimination fondée sur « l’identité ou l’expression de genre ». Une avancée parmi quelques autres qui n’empêche pas le mal-être des personnes trans au quotidien.

La prévention du suicide chez les jeunes LGBTQ+ est donc inlassablement conditionnée par l’évolution des mentalités : « On entend encore beaucoup trop l’idée de tolérance, alors que l’enjeu c’est surtout le respect. On n’est pas obligé de comprendre à 100 % pour savoir respecter quelqu’un ! »

Selon une étude menée en 2015, les jeunes gays, lesbiennes, et bisexuel.le.s feraient trois fois plus de tentatives de suicide que les jeunes hétérosexuel.le.s. La même année, le National Center for Transgender Equality rapportait que 40 % des jeunes personnes trans avaient déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie.