L’Organisation internationale pour les migrations estime à 200 millions le nombre de réfugiés climatiques d’ici 2050. Pour faire face à cette situation, « nous avons besoin de réelles politiques d’adaptation et de réparation », défend Corentin Lelong, doctorant à l’Université de Montréal spécialiste en philosophie politique et en éthique environnementale. Pourtant, aucun consensus n’a encore été atteint concernant la gestion de ces réfugiés potentiels.

En dépit de l’absence de base légale, « le terme de réfugié climatique s’est rapidement répandu, on le retrouve dans de nombreux articles, » explique M. Lelong. « Cela n’a rien d’étonnant, car la catégorie de réfugié climatique occupe une place dans notre imaginaire moral », affirme-t-il.

Le concept de réfugié traditionnel est inadéquat pour définir et légiférer cette nouvelle réalité qui s’amplifiera vraisemblablement dans les années à venir. « Les problématiques juridiques et morales gravitant autour de la figure traditionnelle du réfugié prennent une nouvelle coloration avec les enjeux climatiques », signale le doctorant.

Au Québec comme dans le reste du pays, la convention de Genève tient lieu de référence pour analyser les demandes d’asile. La convention de Genève ne concerne que les individus fuyant leur pays par crainte de persécutions.

« Nous avons des devoirs et des responsabilités envers les réfugiés climatiques, que nous n’avons pas envers les réfugiés politiques », précise M. Lelong dans son mémoire intitulé, Réfugiés climatiques : statut et traitement . Or, le calcul et la division de ces responsabilités sont pratiquement impossibles à déterminer et font peur à certains États. De plus, l’officialisation d’un tel statut requiert implicitement la reconnaissance des changements climatiques, que certains gouvernements tardent encore à admettre.

Le lourd héritage de la colonisation

Pour M. Lelong, la création d’un tel statut serait « un pansement sur une plaie béante », mais ne s’attaque pas au nœud du problème. Selon lui, il y a présentement en place, au sein des pays industrialisés, une structure oppressive qui défavorise les capacités d’adaptation aux changements climatiques de certains pays. Cette structure serait en partie héritée de l’histoire coloniale. Pour illustrer ce point, il présente l’exemple d’Haïti :

Après une maîtrise à l’Université de Montréal portant sur le statut des réfugiés climatiques, Corentin Lelong a décidé de poursuivre ses recherches en justice climatique dans le cadre d’une cotutelle entre l’Université de Montréal et Université Jean-Moulin-Lyon-III. Sa thèse  »Quelles institutions pour gouverner le climat ? » est en cours de rédaction. (Crédit photo : Corentin Lelong/ crédit audio : Valérie Marcoux et Charles Ouellet)

Le statut qui se fait attendre

M. Lelong ne croit pas que le statut de réfugié climatique est en voie d’être officialisé. « Il faut une volonté étatique forte et cette volonté est clairement absente », affirme-t-il. Selon lui, cette réticence des États s’articule notamment autour de la peur consciente ou inconsciente de voir affluer des centaines et des milliers de personnes chez nous. « Lorsque l’on voit déjà les difficultés politiques et sociales que posent les nouveaux flux de réfugiés traditionnels, on peut craindre pour l’avenir quand on voit les prédictions alarmantes concernant le nombre à venir de réfugiés climatiques », explique l’expert.