QUÉBEC — Alors que le saumon atlantique continue de voir ses effectifs diminuer,  des experts tentent de déterminer le rôle que jouerait le bar rayé dans ce phénomène.

Depuis le début des années 1990, les scientifiques cherchent à comprendre l’origine du déclin des populations de cette espèce emblématique des rivières de l’est canadien. Au fil du temps, en plus de facteurs environnementaux, plusieurs «coupables» ont été pointés du doigt, du cormoran en passant par le canard bec-scie ou le phoque. Mais voilà maintenant que des chercheurs du Nouveau-Brunswick ont un nouveau suspect : le bar rayé.

Dans une entrevue publiée à la mi-janvier dans le Toronto Star, Jon Carr, directeur exécutif de la Fédération du saumon atlantique, confiait que le bar rayé était le «suspect principal» dans le déclin du saumon de la rivière Miramichi. Pour le confirmer, l’équipe du chercheur suivra cette année les saumoneaux et le bar rayé, grâce à des émetteurs implantés dans certains d’entre eux, afin de déterminer si les poissons se retrouvent dans les mêmes endroits simultanément. Compte tenu de l’explosion récente de la population de bar rayé frayant dans l’estuaire de la Miramichi, au nord-est du Nouveau-Brunswick, le chercheur lançait «qu’il est probable que le bar rayé dévore les saumoneaux» et ce, au moment de leur dévalaison.

Or, la population de bar rayé du sud de Golfe du Saint-Laurent, une population distincte de celle du fleuve Saint-Laurent qui a été réintroduite en 2002, déborde maintenant un peu partout. Le poisson est de plus en plus visible le long de la côte sud gaspésienne, où il croise dans les estuaires de rivières à saumon parmi les plus productives du Québec, telle la Ristigouche ou la Grande Cascapédia. 

Analyses en cours

Michel Legault, biologiste de la Direction de la faune aquatique au ministère de l’Environnement, indique que le gouvernement du Québec et ses partenaires font des analyses actuellement pour mieux comprendre la situation. «Ce qu’on observe pour le moment, c’est que les bars rayés arrivent le long de la côté gaspésienne à la mi-juin environ», explique Monsieur Legault. 

Il ajoute : «Or, à ce moment-là, les saumoneaux ont déjà quitté les estuaires pour leur migration vers leurs sites d’engraissement». Selon le biologiste, il est possible que les poissons se croisent et que les bars rayés exercent un prélèvement, mais probablement pas de manière à avoir un impact significatif.

Pour François Caron, biologiste retraité du gouvernement du Québec et autorité reconnue en matière de saumon atlantique, il convient de garder en tête que le saumon décline à l’échelle mondiale depuis plus de deux décennies déjà. De plus, indique-t-il, c’est en mer que les taux de survies ont tout particulièrement chutés. 

«Le bar rayé est un poisson prédateur ; nul doute qu’il peut capturer à l’occasion des jeunes saumons lorsque ceux-ci migrent vers la mer. Mais il y a au moins une cinquantaine de prédateurs de saumons connus ; poissons, oiseaux et mammifères», explique-t-il.  Monsieur Caron en conclue que le bar rayé n’est pas la cause du déclin général des populations de saumons atlantiques dans le monde. 

Il faudra vraisemblablement attendre que les analyses scientifiques en cours livrent des résultats plus concluant afin de statuer sur les interactions entre les deux espèces et la menace réelle que représente le bar rayé.