La vague médiatique initiée par l’actrice américaine Alyssa Milano au cours de l’automne a ébranlé le monde entier. Ce mouvement n’a pas été ignoré au Québec où plusieurs victimes ont pris la parole pour dénoncer leurs présumés agresseurs. Renée Fortin, intervenante au « Centre Femmes d’aujourd’hui », croit en cette mobilisation avec le « #MeToo », mais qu’il reste encore un long chemin à parcourir.

Ce sujet au cœur de l’actualité depuis plusieurs semaines n’est pas nouveau pour Renée Fortin, qui accueille quotidiennement des femmes vivant des situations semblables à celles qui ont été dénoncées. La mission du « Centre Femmes d’aujourd’hui » est de contrer l’isolement social de ces femmes en proposant divers services, allant d’une ligne d’écoute téléphonique à l’organisation de différentes activités.

Ces dénonciations publiques poussent d’autres femmes à parler de leur histoire. Mais pour certaines, ces événements les replongent dans des souvenirs éprouvants. « Des fois, ça vient rebrasser des choses », souligne Renée Fortin. « On se rend compte que presque toutes les femmes, ou à peu près toutes, ont vécu une forme d’agression ou de harcèlement à un moment de leur vie », témoigne l’intervenante de milieu. Ainsi, ces périodes de dénonciation qui augmentent depuis l’arrivée des médias sociaux permettent à plusieurs femmes de se sentir plus à l’aise pour verbaliser et partager les abus qu’elles ont subis.

Il s’agit d’une réalité qui touche tout le monde, d’autant plus qu’elle est ancrée dans la mentalité des individus dès leur plus jeune âge. Selon l’angle féministe, ce phénomène est connu sous le nom de « culture du viol ». « C’est toute la tolérance qu’on a sur les farces plates, sur le fait que quand une fille se fait agresser c’est elle qui l’a cherché, quand on banalise toutes ces violences », renchérit Renée Fortin. Même si ce concept est de moins en moins tabou, il reste difficile pour une société de se sortir de ce modèle d’éducation.

Un système judiciaire injuste

Selon une étude de Statistique Canada menée en 2014, plus de 20 700 plaintes d’agressions sexuelles ont été rapportées à la police. Sur ce total, seulement 1 814 ont conduit à une condamnation de l’agresseur.

D’après l’intervenante du « Centre Femmes d’aujourd’hui », il y aurait un trou dans le système judiciaire. Cette lacune occasionnerait un découragement chez les victimes qui ne voudraient plus porter plainte après une agression.

Puisque le système judiciaire n’est pas apte à répondre aux besoins imminents de ces personnes, les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) pallient ce manque. Dernièrement, le gouvernement québécois a alloué un budget d’un million de dollars pour optimiser les services proposés. Pour autant, Renée Fortin rappelle que cette somme n’est pas suffisante lorsqu’elle est divisée entre les 50 CALACS de la province.

Même si ce déferlement médiatique semble faire progresser la cause, pour Renée Fortin « tout est toujours à recommencer, c’est comme si on ne pouvait jamais baisser les bras ».

« Il y a toutes les mentalités à changer. Il y a un gros travail de sensibilisation à faire et surtout d’éducation », affirme Renée Fortin, intervenante de milieu au sein de l’organisme « Centre Femmes d’aujourd’hui ». (Crédit photo : Véronique Lévesque)

 

De plus en plus de femmes à travers le monde ont pris la parole sur les médias sociaux en utilisant le mot clic « #MoiAussi » ou « #MeToo ». (Crédit photo : Audrey Sanikopoulos)