La pandémie du Covid-19, qui secoue le monde depuis plusieurs mois, n’a pas épargné les Français à l’étranger. À l’Université Laval, 60 % des 2 300 étudiants en résidence ont décidé de raccourcir leur séjour pour rentrer chez eux. Motivés par la peur de rester coincés loin de leurs familles, ils doivent souvent partir dans l’urgence.

Il est encore tôt quand Maguelonne, 20 ans, sort ses affaires dans le couloir. Étudiante en troisième année de droit, elle réside dans l’une des quatre résidences de l’Université Laval depuis août 2019. La jeune femme originaire de Périgueux et rattachée à l’université de Strasbourg, avait déjà prévu de partir pour rendre visite à son grand-père malade, avant que l’épidémie de coronavirus ne vienne précipiter son départ. « Jusque-là tout se passait bien, mais c’est vrai que je suis contente de partir car mon grand-père est mourant. »

 Pour la jeune étudiante, c’est le début d’un long périple : « J’ai pris avec moi plusieurs masques, gels hydroalcooliques et gants. J’ai quand même deux aéroports à traverser. » Après un premier vol de Québec à Montréal, un deuxième l’attend à destination de Paris, avant d’enfin rejoindre Bordeaux, toujours par avion.

Une fois arrivée, l’aventure continue. Sa mère, munie d’une attestation et des billets d’avion de sa fille pour justifier son déplacement, doit la récupérer à l’aéroport bordelais pour la conduire au domicile familial, où elle se placera d’elle-même en isolement pour préserver la santé de ses proches.

En quelques jours seulement, Maguelonne a réservé son billet d’avion et rassemblé toutes ses affaires, prête à quitter les lieux. (Crédit photo : Soraya Boubaya)

Retour au confinement

Malgré le confinement en France, beaucoup d’entre eux affirment leur besoin de se rapprocher de leur famille : « Si je devais être bloqué je préférerais l’être dans un environnement plus commun, avec mes proches, plutôt qu’à 6 000 km, dans un environnement qui m’est moins familier », raconte Thomas, étudiant en échange à l’Université Laval. Originaire de Bordeaux, il raconte ses hésitations quant à la décision de rentrer et comment il a finalement tranché :  « Ça a été l’escalade ultra rapide des épisodes qui a un peu tout précipité. Dès la décision de fermeture des écoles par Macron, ça a commencé à vraiment s’accélérer. »

Le cours des événements évolue très vite à l’université qui, après avoir suspendu les cours suite à l’allocution du premier ministre québécois François Legault, a décidé le 21 mars dernier de fermer ses résidences.

Le constat est le même pour Rachel, étudiante montpelliéraine en maîtrise d’Études internationales. Elle a vite vu son quotidien basculer et l’angoisse monter avec de plus en plus de mesures prises par le gouvernement québécois : « À la maison, toutes mes colocataires qui travaillaient se sont retrouvées au chômage technique. On commençait à être dans une ambiance anxiogène en voyant que la situation qu’on observait ailleurs arrivait petit à petit au Canada. Tout a fermé et ça a cassé une sorte de rythme qu’on avait tous. » 

Depuis l’annonce de la fermeture des établissements scolaires québécois le 13 mars, la tournure des événements s’est accélérée. Quelques jours plus tard, lors de son allocution du lundi 23 mars, le premier ministre québécois François Legault ordonne aux commerces et entreprises « non essentiel.les » de fermer leurs portes à compter du 24 mars à minuit, jusqu’au 13 avril minimum. « Le Québec va être en pause pendant trois semaines », résume-t-il. Un confinement qui ne dit pas son nom commence à voir le jour dans la Belle Province. Et qui vient d’être prolongé jusqu’au 4 mai. Plus, si nécessaire.

En dépit de mesures prises assez tôt par le gouvernement québécois, la province canadienne ne fait pas exception et a vu son nombre de cas grimper ces dernières semaines. Le 1er avril, le Québec enregistre sa plus forte augmentation avec 903 cas en plus, et passe alors la barre des 5 000 cas.

Poussés au départ

Même les étudiants français qui ne voulaient pas rentrer doivent peu à peu organiser un retour anticipé. « Tout le monde part et les consignes commencent à devenir vraiment strictes », déplore Alexanne, étudiante en deuxième année de Master. Tables séparées, canapés retirés, salles de jeux fermées… Tout pousse les étudiants qui le peuvent à quitter ce qui était leur lieu de vie.

Alors que les résidences se vident petit à petit de leurs étudiants, Alexanne cherche à tout prix un moyen de rester un peu plus longtemps au Canada avec ses amis. (Crédit photo : Rachel Rodrigues)

Alexanne et ses neuf amis, tous rencontrés à l’université, ont loué un appartement Airbnb pendant deux semaines dans le centre de Québec avant de prendre une décision quant à un éventuel retour. « Je préfère être en confinement ici avec mes amis plutôt que de l’être en France avec ma mère et mon frère », plaisante-t-elle. Malgré sa volonté de rester, Alexanne pense tout de même à assurer ses arrières et confie penser de plus en plus à prendre un vol pour fin avril.

Selon le fondateur de l’association Croissant au sirop d’érable, association des étudiants français et francophones européens de l’Université Laval, 70 % des Français en échange seraient partis depuis le début de la crise. Les étudiants en cursus complet auraient, quant à eux, plus tendance à rester au Québec pour terminer leurs études.