Le 7 novembre dernier, les Québécois ont décidé du parti qui à la tête de la Ville de Québec. Bien que les élections municipales soient généralement moins populaires que celles des autres paliers de gouvernement, des facteurs influencent l’intérêt et la participation des jeunes. 

Plus tôt cet automne, la cheffe de Transition Québec, Jackie Smith s’était justement déplacée dans plusieurs cégeps et universités de la Capitale afin d’informer les jeunes sur l’influence que peut avoir leur vote sur leur ville. Son argument pour les convaincre : arrêter le projet de troisième lien. Une semaine avant le vote, le parti lançait une autre initiative pour inciter les jeunes de 18 à 30 ans à voter, en envoyant des lettres à tous les résidents du district de Limoilou.

« Le 7 novembre prochain, ce sera peut-être la première fois que plusieurs jeunes votent au niveau municipal. Alors j’avais envie de vous dire : votre vote compte, il peut changer les choses et il est temps que votre génération prenne les choses en main », a affirmé Mme Smith par voie de communiqué.

Des partis utilisent différents moyens pour rejoindre les jeunes électeurs dans le cadre de la campagne municipale 2021 (Photo : Transition Québec).

Par ailleurs, plusieurs étudiants qui proviennent de l’extérieur de Québec sont toujours inscrits à l’adresse de leurs parents sur les listes électorales. La lettre du parti invite donc ces étudiants à changer leur adresse «pour voter contre le troisième lien».

Le directeur des communications du parti Québec Forte et Fière, Thomas Gaudreault, critique la stratégie du parti de Jackie Smith. « C’est un peu… passé date. C’est plate, mais même moi quand je reçois un dépliant politique je le jette au recyclage sans même le regarder », dit-il.

Toutefois, selon Transition Québec, cette solution n’est pas démodée, bien au contraire. Cette stratégie a plutôt été adoptée pour rejoindre «une tranche de la population qui écoute ou lit peu les médias traditionnels et qui commence même à s’éloigner de réseaux sociaux classiques comme Facebook», explique Angèle Pineau-Lemieux, directrice des communications du parti.

Selon M. Gaudreault, il ne faut pas viser directement les jeunes, car ils vont se sentir marginalisés. « Je pense que ce que les jeunes veulent, c’est sentir qu’ils ne sont pas une classe à part », soutient le directeur des communications du parti représenté par Bruno Marchand.

Pour attirer le vote des jeunes, Québec Forte et Fière a plutôt misé sur l’âge des candidats. « Tu vote pour quelqu’un qui te représente […] donc on est allé dans Cap-aux-Diamants avec une jeune maman [Mélissa Coulombe-Leduc], Pierre-Luc [Lachance] dans Saint-Roch est jeune », explique-t-il.

Finalement selon lui, il faut avoir un chef qui ressemble un peu à tout le monde. « Je pense que le cadre de veston-cravate va en freiner certains, parce que tu as vraiment l’air d’un monsieur qui sait gérer des choses », dit M. Gaudreault.

« Je ne pense pas que c’est ça la politique, je pense qu’il faut que tu restes toi-même et c’est ça que Bruno [Marchand] voulait montrer aussi », conclut-il.

Et les jeunes dans l’histoire?

Luiggie Forgiony, 26 ans, croit que les partis devraient inciter davantage les jeunes à prendre part au débat. « Dans le développement d’une grande ville comme Québec, c’est important qu’un parti prenne les idées des jeunes. Plus tard, ils pourront eux aussi se sentir comme chez eux », affirme-t-il.

Luiggie Forgiony, officier de navigation sur le bateau Louis Jolliet, croit que les élections municipales ont un impact sur l’industrie du tourisme (Photo : Luiggie Forgiony).

En cause, un taux de participation aux élections générales qui diminue année après année, surtout chez les 18 à 34 ans, selon Élections Québec. Cette baisse est particulièrement marquée au palier municipal, comme pour les autres groupes d’âge : en effet, en 2017, le taux global de participation aux élections municipales était de 44,8 %, alors qu’il était de 47,2 % en 2013.

Au palier provincial, on comptait un taux de 66,45 % en 2018 et de 71,44 % en 2014. Puis au fédéral, 62 % de la population canadienne a exercé son droit de vote en 2021 contre 67 % en 2019, selon Élections Canada dans son rapport sur le taux de participation.

Généralement, « les jeunes électrices et électeurs (de 18 à 34 ans) votent moins que les plus âgés ; la participation est nettement plus haute chez les personnes de 55 ans et plus », souligne Élections Québec.

Des facteurs importants qui stimulent le vote

Il faut dire que le vote tend à augmenter en fonction du nombre d’années vécues au sein d’une même municipalité et à la même adresse. Même son de cloche dans les petites municipalités, où le sentiment d’appartenance est généralement plus fort.

C’est le cas de Yannika Poirier-Martin, 26 ans, qui se déplace d’une ville à l’autre pour ses études. « Je n’ai pas beaucoup d’amis non plus à Québec, alors j’ai plus tendance à discuter avec mes proches des campagnes provinciales et fédérales », explique-t-elle.

Québec Forte et Fière a distribué aux citoyens des affiches à piquer sur leur terrains ou sur des terrains vagues. Ceux-ci sont situés à l’entrée du campus.

Valérie-Anne Mahéo, professeure de science politique à l’Université Laval, concentre ses recherches sur la participation électorale. Elle met en évidence quatre facteurs qui expliquent le faible taux de participation aux élections chez les jeunes :

  • Les nouvelles générations tendent à avoir moins le sens du devoir civique. « Pour eux, voter est un choix et pas forcément un devoir », affirme-t-elle.
  • Les jeunes ont moins de connaissances par rapport à la politique en général, ainsi qu’un manque d’intérêt, notamment pour la politique municipale. Leur manque d’expérience fait qu’ils perçoivent le sujet comme quelque chose de « compliqué ». « Souvent, la politique municipale, on en discute moins dans les médias, c’est un peu plus nébuleux. Qui se présente, qui sont les politiciens, etc. », continue la professeure.
  • Les partis politiques contactent moins les jeunes, car ils savent qu’ils votent moins que les autres groupes d’âge. Ils essaient de maximiser leurs ressources comme le porte-à-porte auprès de citoyens qui sont plus enclins à voter.
  • L’attachement à sa municipalité est aussi un facteur très important. Les jeunes sont plus portés à se déplacer pour leurs études et sont moins souvent propriétaires d’une maison ou d’un appartement. « Quand on est propriétaire, on est ancré dans une communauté. On veut savoir où vont nos taxes municipales et dans quel projet », résume Mme Mahéo.