QUÉBEC — Un taux de survie de 88%. C’est celui associé aux femmes dont on a diagnostiqué un cancer du sein. Est-ce à dire que cette maladie sera bientôt curable à 100%? Les espoirs sont grands, mais les chercheurs ne crient pas victoire tout de suite et s’entendent pour dire qu’il en reste beaucoup à faire pour éradiquer complètement cette maladie.

« Ce n’est pas parce que la mortalité baisse que tout le monde, malheureusement, est guéri », précise tout de suite Jocelyne Chiquette, omnipraticienne et cofondatrice du Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia de l’Hôpital du Saint-Sacrement du CHU de Québec. Il reste que tous les espoirs sont permis avec un nombre de décès dus au cancer du sein qui a diminué de plus de 40% depuis les 30 dernières années. Le dépistage précoce par mammographie, les avancées dans la détection et le traitement ont d’ailleurs largement contribué à cette diminution.

Caroline Adams, infirmière clinicienne au Centre des maladies du sein, est convaincue que l’augmentation du taux de survie est directement associée à la recherche. « Je crois profondément à la recherche clinique en oncologie parce que je la vois, l’évolution », constate celle qui travaille dans le milieu de la recherche clinique depuis près de 20 ans. « Les nouvelles méthodes de diagnostic changent la trajectoire de la patiente. Avant, c’était automatiquement la mastectomie suivie de chimiothérapie. Maintenant, on parle de thérapie ciblée ».

Des essais cliniques indispensables

Si la recherche a fait des bonds de géant dans les 20 dernières années, c’est entre autres grâce à des femmes qui ont accepté de participer à des essais cliniques afin de tester de nouveaux traitements. Ces essais font l’objet d’un suivi rigoureux et sont sévèrement règlementés par Santé Canada. « Avant d’élaborer un essai clinique, il faut de très bonnes données et le traitement doit correspondre aux normes québécoises », assure Caroline Adams.

Dans la recherche clinique, il y a trois types de traitements : les néo-adjuvants, c’est-à-dire avant la chirurgie, les adjuvants après la chirurgie et ceux qui surviennent à un stade métastatique, quand les cellules cancéreuses se retrouvent ailleurs que dans le sein. « Les néo-adjuvants demandent plus de réflexion », concède Mme Adams. « Par contre, au niveau métastatique, les femmes se disent qu’elles n’ont plus rien à perdre et sont ouvertes à essayer un nouveau traitement qui allongera leur espérance de vie de six mois par exemple ».

La génétique au cœur des recherches

Aujourd’hui, c’est le dépistage génétique qui occupe beaucoup les chercheurs. En effet, on avance que 50% des cancers du sein développés pourraient avoir une explication génétique. La recherche en est encore à ses balbutiements de ce côté.

« Pour l’instant, ce sont de 5 à 10% des cancers du sein qui sont connus pour des gènes majeurs », explique Dre Chiquette. « En tout, il y a 25 gènes testés. D’autres gènes ont été identifiés, mais qui ne sont pas encore disponibles pour être testés ». Ce dépistage génétique se fait à l’aide d’une simple prise de sang dans laquelle une analyse de gènes sera effectuée. Si des mutations génétiques prédisposant au développement d’un cancer du sein sont décelées, un processus de prévention est alors enclenché.

Pour l’instant, deux gènes majeurs occupent le radar des chercheurs : BRCA-1 et BRCA-2. Chez ces femmes porteuses de mutations de ces gènes, le risque de développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans est de 65 % à 85 %. Heureusement, ce test est gratuit au Québec. Aux États-Unis, il en coûte 3000$ pour effectuer la détection des gènes BRCA-1 et BRCA-2.

La décision de subir ce test demande tout de même réflexion. Car savoir qu’on est à risque de développer un cancer du sein équivaut à avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. « On n’oblige personne à être testé, mais qu’ils viennent chercher l’information. Pour quelqu’un qui ne voudrait pas être testé, mais dont on sait que la mère ou le père est porteur du gène, on va leur offrir d’être suivi comme si elle était porteuse », assure Dre Chiquette.

Depuis un an, ces femmes et ces hommes à risque de développer un cancer du sein sont référés au Centre de ressources en oncogénétique pour le soutien et l’éducation des familles à risque de cancer du sein (ROSE) situé à l’Hôpital du Saint-Sacrement. Un investissement de 825 000 $ sur trois ans provenant de la Fondation du cancer du sein du Québec a été nécessaire à la création du Centre ROSE. En tant que responsable de cet organisme, Jocelyne Chiquette explique les raisons qui ont motivé l’instauration d’un tel centre.

Une industrie est née

Les subventions de la Fondation du cancer du sein du Québec permettent la création d’organismes comme le Centre Rose. Mais pour obtenir ce financement, la fondation s’associe avec des entreprises et cherche de la visibilité. Malheureusement, certaines entreprises s’associent souvent pour le «capital de sympathie» de cette cause «sexy», selon les mots de June Marchand, professeure titulaire au département de communication de l’Université Laval. «C’est sûr que le cancer du sein, c’est plus sexy que le cancer de la prostate», plaide-t-elle.

Ici comme aux États-Unis, la couleur rose orne moult produits de consommation. Certains produits sont eux-mêmes liés au cancer. Au Québec, par exemple, des bijoux vendus 100$ rapportent 2$ à la cause, des livres de 25$ contribuent à la hauteur de 1,25$, des baguettes de pain amènent 0.75$ par unité à la fondation.

June Marchand fait un retour sur ce coup de marketing social pourtant réussi.

Pour aller plus loin, visionnez le film «L’industrie du ruban rose», de Léa Pool. Le film explore les dessous de cette cause, notamment en montrant que le mois du cancer du sein est le produit d’un relationniste d’une compagnie pharmaceutique.

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