L’ancien président catalan Artur Mas a été condamné le 6 mars dernier à deux ans d’inéligibilité par la justice espagnole. Il est accusé d’avoir tenu une consultation publique sur l’indépendance de la Catalogne jugée illégale par Madrid. « Ce n’est pas surprenant, on s’y attendait. C’est la judiciarisation d’un problème politique », affirme Sol Zanetti, chef du parti Option nationale au Québec.

Artur Mas a été jugé coupable de « désobéissance » pour avoir ignoré les injonctions de la Cour constitutionnelle espagnole. Il ne pourra pas occuper de poste électif au cours des deux prochaines années et devra payer une amende de 36 500 euros. « Dans les faits, il a simplement consulté son peuple sans impact légal. C’est vraiment antidémocratique », déplore M. Zanetti, chef du parti indépendantiste.

Les Catalans s’étaient exprimés dans le cadre d’un référendum sur l’indépendance en 2014. Selon les résultats obtenus, 2,3 millions de personnes sur environ 5,4 millions d’électeurs inscrits avaient voté. Plus de 80 % de ceux-ci avaient opté pour l’indépendance. Selon M. Zanetti, « c’est un réel coup de force légal contre la démocratie catalane. L’État espagnol nie la démocratie catalane, nie le droit des Catalans de pouvoir s’exprimer sur leur avenir ».

Le chef d’Option nationale a rencontré Artur Mas et le président de l’Assemblée nationale catalane (ANC), Jordi Sanchez, durant un voyage en février dernier. L’ANC va dans le même sens en dénonçant l’atteinte aux droits fondamentaux des Catalans, notamment la liberté d’expression et le droit de décider du peuple catalan.

En Europe, l’Écosse est un bon exemple où la consultation populaire s’est organisée avec la collaboration du Royaume-Uni. Cependant, Madrid ne se laisse pas convaincre par cette comparaison et affirme que l’Écosse est une nation, contrairement à la Catalogne. Madrid s’oppose toujours à la séparation de la Catalogne et réitère que la Constitution espagnole ne le permet pas.

Le chef du parti indépendantiste au Québec résume la situation. « Les Catalans ont deux choix : rester dans le cadre juridique espagnol et renoncer à leur liberté d’expression ou sortir du cadre légal espagnol et créer leur propre cadre légal [qui serait] plus légitime et plus démocratique. »

L’Espagne, meilleur allié

En 2010, le Tribunal constitutionnel espagnol avit refusé le nouveau statut d’autonomie proposé par Barcelone. Depuis ce temps, le mouvement indépendantiste ne cesse de gagner en popularité. Selon M. Zanetti, « le meilleur allié des indépendantistes catalans, c’est le gouvernement espagnol. À chaque fois que le président [espagnol, Mariano] Rajoy tente de mettre un frein au mouvement, les indépendantistes attirent de nouveaux partisans ».

Selon M. Zanetti, « l’État espagnol adopte une démarche beaucoup plus arrogante que l’État canadien face aux indépendantistes. Au Canada, c’est beaucoup plus subtil ». Le gouvernement canadien avait aussi tenté de judiciariser le débat politique avec la Loi sur la clarté référendaire en 2000. À l’avenir, le Canada se garde le droit de décider si le pourcentage obtenu par un éventuel référendum est acceptable pour faire sécession ou non.

Deux visions opposées

Les adversaires de la séparation de la Catalogne soutiennent que l’indépendance engendrerait la chute du PIB en plus d’augmenter le taux de chômage. Ils voient l’indépendance comme une façon d’appauvrir la région. Ils craignent également de voir le retrait du pays de l’Union européenne (EU) tout en ayant un lourd impact sur les échanges commerciaux avec le reste de l’Espagne. M. Zanetti considère que les Catalans sont assez confiants de pouvoir signer une nouvelle entente dans le cas d’une séparation avec l’Espagne.

Selon Sol Zanetti, l’enjeu économique est traité différemment en Catalogne par rapport au Québec : « La Catalogne est la région la plus riche de l’Espagne. Elle représente plus de 20 % du PIB. Au Québec, on nous dit trop pauvres pour faire l’indépendance, mais on dit aux Catalans qu’ils sont égoïstes de vouloir se séparer de l’Espagne. »

Le jugement contre Artur Mas a été rendu quelques minutes après l’annonce de la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, qui autorise l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de l’Écosse vers la fin de l’année 2018.