À l’heure actuelle, au Québec, un taux d’alcoolémie de 0,08 est considéré comme une infraction criminelle. À l’exception du Yukon, la Belle province est le seul endroit au Canada qui n’impose pas de sanctions administratives aux conducteurs dépassant la limite légale d’alcoolémie fixée à 0,05 mg/100ml.
En juillet 2023, l’Association Pour la Santé Publique du Québec (ASPQ), soutenue par divers organismes, a lancé un projet encourageant le gouvernement à adopter un seuil d’alcoolémie de 0,05. Selon les données recueillies par l’ASPQ, dépasser ce seuil augmenterait de quatre à six fois le risque de provoquer un accident mortel. L’alcool altèrerait le comportement des conducteurs en affectant leurs capacités de jugement, leurs réflexes, leur temps de réaction et leur coordination motrice, même à des niveaux d’alcoolémie aussi bas que 0,02.
».
Un oubli de taille
En janvier dernier, la ministre des Transports et de la mobilité durable, Geneviève Guilbault, a déposé le projet de loi C-48 dans l’objectif d’améliorer le bilan de sécurité routière au Québec. Cette annonce a suscité de vives réactions, notamment du côté du Parti libéral.
Selon le député Monsef Derraji, la ministre Guilbault aurait complètement omis de s’attaquer à un « fléau » en particulier, « à savoir l’alcool au volant […] » En soulignant notamment les décès de la petite Mariia et de Jessica Sarli-Rivera, le leader parlementaire de l’opposition officielle a tenu à rappeler les risques mortels liés directement à l’alcool au volant. Selon M. Derraji, ces coûts ne se calculent pas uniquement en vies humaines. En effet, le système de primes et d’indemnisations de la SAAQ génère de plus en plus de dépenses dues aux accidents de la route. C’est dans ce contexte que le député de Nelligan soutient l’importance d’imposer des sanctions administratives pour les conducteurs qui ont atteint un taux d’alcool supérieur à 0,05. « Je reste convaincu qu’à l’image des autres provinces canadiennes, le fait de parler de mesures administratives ça va nous aider », ajoute-t-il.
Selon Kim Brière-Charest (photo ci-contre), il est évident que « le Québec est à la traîne » en ce qui concerne les mesures pour enrayer cette problématique. Dans certaines provinces canadiennes, les effets positifs à la suite de l’adoption de sanctions à partir de 0,05, ont été quasi-instantanés. Elle rapporte à cet effet, que « les études démontrent qu’en Colombie-Britannique, deux ans après l’implantation des mesures administratives, il y a eu une diminution de 52% des décès reliés à l’alcool au volant. En Ontario, on parle de 18% des décès et des accidents liés à cela dans l’année qui a suivi l’adoption du 0,05 ». Elle se questionne donc à savoir pourquoi le Québec n’adopterait pas un modèle où « les effets d’une prévention ont une portée sur les résultats ».
Cela dit, afin d’assurer le bon fonctionnement de ce modèle et d’augmenter l’efficacité des mesures préventives, Mme Brière-Charest insiste sur l’importance de bien définir en quoi consistent ces sanctions. « Au final, il y a une mécompréhension des mesures qu’on souhaite mettre en place, et qui pourraient contribuer davantage à la polarisation du message », constate-t-elle. Elle insiste sur le fait que ces mesures seraient graduellement implantées et qu’elles serviraient davantage d’avertissements plutôt que d’infractions criminelles, à moins d’une récidive.
La publicité sociale, un outil de sensibilisation efficace?
Christian Desîlets explique que le principal défi de la publicité sociale réside dans l’évaluation de l’efficacité des campagnes à modifier les attitudes et les comportements. Toutefois, la réalité est bien différente: « la publicité n’a pas d’effet direct sur le changement durable chez des individus résistants ». Bien qu’elle puisse modifier temporairement les attitudes, elles ne changent pas nécessairement les comportements sur le long terme.
Ainsi, la publicité sensibilise à un problème, mais il affirme que pour susciter des changements significatifs, d’autres actions telles que l’éducation, les interventions sur le terrain et l’accès à des ressources sont nécessaires: « La publicité pose les bases, mais elle ne résout pas le problème à elle seule ». À ce propos, Mme Brière-Charest a d’ailleurs ajouté « nous n’avons pas le choix d’avoir un encadrement qui va plus loin que la sensibilisation, parce que nous voyons que les personnes prennent des risques malgré les campagnes qui circulent
Ayant consacré sa thèse de doctorat à la mise en marché de la sécurité routière au Québec, M. Desîlets estime donc que dans le cadre de l’alcool au volant, il est nécessaire de remettre en question « l’affirmation selon laquelle l’abaissement du taux maximum d’alcoolémie de 0,08 à 0,05 serait efficace ». Il est d’avis qu’il faut faire preuve de nuance et que les impacts, bien que réels, sont éphémères.