Depuis plusieurs mois, le gouvernement Legault parlait de faire adopter le projet de loi 40 qui vise à modifier la manière d’organiser et de gouverner les écoles. C’est chose faite depuis le 8 février dernier. Anne St-Pierre, enseignante à l’école primaire St-Mathieu à Sainte-Foy, trouve que le premier ministre s’est précipité dans l’adoption d’une loi qui pourrait changer beaucoup de choses.

C’est donc samedi dernier que le projet de loi 40 du gouvernement Legault a été adopté. Afin de faire passer ce texte, Legault a choisi d’utiliser la stratégie du bâillon, soit le quatrième qu’il utilisait pour accélérer les procédures. En limitant le temps de parole des députés, non seulement le premier ministre fâche l’opposition, mais aussi les enseignants dont la voix est représentée à travers les députés.

Selon Anne St-Pierre, beaucoup d’idées sont lancées dans ce projet mais rien n’est détaillé. Parmi ces idées, on parle du fonctionnement de nouveaux centres de services qui remplaceraient les commissions scolaires, ce qui inquiète les professionnels du milieu. « On ne sait pas comment le ministre va faire pour que l’équité soit respectée et pour assurer que les élèves aient tous les mêmes chances de réussite », explique-t-elle.

Enseignant elle-même dans un milieu défavorisé, Mme St-Pierre est très inquiète de l’avenir de ses élèves et des services auxquels ils auront accès. Pour le moment, chaque commission scolaire gère un groupe d’écoles tout en assurant une équité des services et des revenus, selon le milieu d’apprentissage et le niveau de défavorisation. Chacune a droit à diverses formations et services de conseils pédagogiques pour assurer le bon renouvellement des enseignants.

Ce n’est pas la première fois que François Legault perd la confiance des enseignants. Dernièrement, il voulait lancer un projet de loi visant à rémunérer les enseignants selon le taux de réussite des élèves dans leurs classes. Or, comment peut-on comparer les élèves de cette façon ? Certains sont issus d’un milieu aisé et ont des conditions d’apprentissage favorables alors que d’autres sont issus d’un milieu défavorisé et un plus grand pourcentage a besoin de services de psychoéducation et d’orthopédagogie. Anne St-Pierre affirme que « le premier ministre semble se lancer dans 1000 projets sans vraiment prendre en compte les vrais enjeux et conséquences que tout cela pourrait engendrer ».

Problème de temps et de compétences

Un autre volet de la loi 40 vise à donner la gestion des milieux scolaires directement aux parents. Cette idée semble complètement absurde pour Anne St-Pierre puisque la plupart des parents n’ont tout simplement pas le temps de s’occuper de cette gestion et ils n’ont pas non plus les compétences pour le faire. Même si ce sont les parents des jeunes enfants qui sont éduqués, ils ne devraient pas avoir le droit de gérer quelque chose dont ils ont peine à comprendre toute la complexité administrative. « C’est comme si je disais à mon chirurgien comment opérer dans son bloc opératoire alors que je n’ai aucune idée des marches à suivre », poursuit l’enseignante au primaire.

Il est évident, selon elle, que le premier ministre Legault se lance dans des projets en se basant sur très peu de faits. S’il a dû museler les opinions des différents députés en passant par le bâillon, c’est peut-être parce que le projet de loi n’était pas complet et aurait dû être étudié plus en profondeur.