ENTREVUE EXCLUSIVE— Mme Pauline Marois était de passage mercredi sur le campus de l’Université Laval. Ce jeudi, elle a accepté d’accorder une entrevue à L’Exemplaire qui en a profité pour revenir sur certains sujets dont elle venait de traiter dans sa conférence.

L’Exemplaire : Considérez-vous que le Québec soit désormais à l’abri d’un nouveau conflit étudiant ?

Pauline Marois : Je le crois très sincèrement. On a rétabli le dialogue et on a convenu de règles claires pour la suite des choses. D’abord, sur la contribution financière des étudiants, on est arrivé à quelque chose de raisonnable, soit l’indexation une année sur l’autre. On a choisi un indice raisonnable, soit celui de la croissance du revenu des familles. On a convenu aussi d’améliorer de manière sensible l’aide financière aux études. Il y aura, pour la première fois au Québec depuis 1985, plus de bourses qui seront versées que de prêts consentis. Je ne dis pas que les étudiants sont d’accord avec tout ce que l’on fait, mais il savent qu’ils peuvent avoir confiance en notre parole. Quand on est arrivé au gouvernement, on a immédiatement aboli la fameuse Loi 78. On a aboli la hausse des droits de scolarité. On a tenu le Sommet sur l’enseignement supérieur. On a ouvert des chantiers aussi, sur le rôle des universités, leur contribution à la société et leur financement, tous des sujets que les étudiants souhaitaient qu’on aborde. Nous sommes bien engagés pour la suite des choses.

L’Exemplaire: Vous avez affirmé, hier, que la Politique jeunesse pour laquelle vous venez de dévoiler un livre blanc, permettra de «créer des idéaux à atteindre pour la jeunesse québécoise». Pouvez-vous nous expliquer ce que cela veut dire ?

Pauline Marois : C’est pour que la jeunesse québécoise puisse contribuer à la construction de leur société, que ce soit en matière d’environnement, de solidarité ou encore de relation intergénérationnelle. Il y a un peu d’insécurité chez les jeunes quand vient le temps de choisir un chemin professionnel, et l’une des mesures proposées par Léo Bureau-Blouin, est très intéressante à ce sujet. Il propose une sorte de service civique, soutenu par le gouvernement, qui permettrait à des jeunes, pendant un an, d’aller en stage et de vivre une expérience dans une communauté, une région, ou une entreprise.

L’Exemplaire: On a vu dans l’actualité récente, une grogne émerger quant à la question des stages non-rémunérés, une pratique de plus en plus répandue. Le phénomène des «stagiaires professionnels» vous interpelle-il ?

Pauline Marois: Absolument. Ça dépend des professions, car dans certains cas il y a une forme de rémunération, dans d’autres pas. C’est un enjeu important, qui commande que soient investies des sommes considérables, alors je ne prends pas d’engagement sur cela. Cependant, je peux m’engager à ce qu’on fasse le point, qu’on identifie qu’est ce que ça voudrait dire concrètement en termes de coûts pour les entreprises et les institutions. 

L’Exemplaire: Vous avez pris en main personnellement le dossier de l’électrification des transports. Quelle place pour le transport collectif électrique dans vos projets, sachant que les jeunes sont de grands utilisateurs de ce mode de déplacement ?

Pauline Marois: Déjà notre métro (à Montréal) est électrique. Il y a à Québec, une expérience avec un métrobus électrique, mais plus globalement nous soutenons deux projets. Le premier est un autobus scolaire, qui serait entièrement électrique. C’est à Saint-Jérôme que ça se passe. On a investi des sommes significatives pour expérimenter le tout et développer le produit. Nous avons également des ententes de partenariats avec Prévost Car, Volvo et Novabus, pour développer des prototypes, dont certains sont déjà en exploitation en Suède. À partir de ces prototypes, nous allons faire une expérience sur nos transports en commun. On a une expérience en vue à Montréal, sur le boulevard Pie IX, où il y aurait un autobus complètement électrique qui pourrait se recharger rapidement sans qu’il y ait un temps d’arrêt trop long (autobus biberonné). 

L’Exemplaire: Les villes innovantes qui attirent les jeunes professionnels dans le monde ont souvent des politiques d’aménagement et d’urbanisme qui favorisent le développement de quartiers vivants, denses, et bien desservis en transport collectif et en commerces de proximité. Que pensez-vous de cette vision ?

Pauline Marois: C’est le genre d’entente qu’on pourrait faire avec la Ville de Québec, et développer un projet conjoint. Mais, il faut dire qu’à Québec, il y a eu des efforts considérables pour revaloriser la Basse-Ville. J’ai moi-même pris plusieurs décisions pour amener des institutions dans Saint-Roch. Entre autres, l’ÉNAP, la Télé-Université, et il y aussi des institutions culturelles qui s’y sont installées. On a fait le Carrefour de la nouvelle économie, ça c’était une idée de Bernard Landry, qui avait identifié Saint-Roch comme un incubateur potentiel pour accueillir des entreprises de la nouvelle économie. Donc, ça ne demanderait pas beaucoup plus que ce qu’on fait actuellement à Québec, pour qu’on aille dans le sens de ce que vous décrivez. On a l’Université Laval et toutes les ressources intellectuelles et technologiques pour êtres capables de consolider ce secteur.

L’Exemplaire: Pourquoi l’ouverture de boîtes de scrutin sur le campus était-il un projet important pour vous ?

Pauline Marois: Parce que nous vivons dans une démocratie où chacun doit avoir voix au chapitre. Il faut que les jeunes se préoccupent de ce qui se passe dans notre monde, dans notre collectivité, tant au plan économique, social, culturel, qu’au plan de la recherche et de l’innovation. Voter c’est un geste citoyen très important. Mais, il y a autre chose. On sait par les études qui ont été faites que plus quelqu’un vote jeune, plus il risque de voter toute sa vie. Moins il vote jeune, plus il risque de ne pas voter tout au long de sa vie et ça c’est une perte pour la démocratie à mon point de vue.