Plus d’un an après les agressions au pavillon Alphonse-Marie-Parent de l’Université Laval, le gouvernement annonce un projet de loi « visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur ». Le 8 décembre 2017, le projet de loi 151 présenté par la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Condition féminine, Hélène David, a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Mise en place de formations obligatoires, de politiques d’accommodements pour les victimes… Ce qui va changer sur notre campus. 

Louise Langevin est professeure titulaire à la faculté de droit de l’Université Laval et pour elle, la naissance du projet de loi qui a suivi les agressions de l’an passé sur le campus de l’Université Laval est un effet direct de celles-ci.

« Ce projet de loi est né à la suite de plusieurs événements notamment sur ce campus et ailleurs aussi, des événements à caractère sexuel, des inconduites » – Louise Langevin

L’attention accordée par les médias, le choc des citoyens après les agressions et les mouvements étudiants ont contribué à mettre en lumière le problème des violences sexuelles et convaincu le gouvernement de la nécessité de prendre des mesures politiques.

Que contient la loi ?

La loi nouvellement mise en place touche tous les établissements d’enseignement supérieur dont les universités et les cégeps. Pour Louise Langevin, il s’agissait avant tout de mettre toutes les institutions sur un pied d’égalité, étant donné que beaucoup d’entre-elles ne possèdent aucune procédure pour prévenir ce genre de comportement.

Les universités se voient imposées par la loi de mettre en place des mesures de prévention et d’intervention en cas de violence sexuelle. Cette notion est définie dans l’article 1 de la loi comme « Toute forme de violence commise par le biais de pratiques sexuelles ou ciblant la sexualité, dont l’agression sexuelle. Cette notion s’entend également de toute inconduite sous la forme de gestes, paroles, comportements ou attitudes à connotation sexuelle non désirés, exprimés directement ou indirectement dans la sphère privée, publique ou dans le cyberespace ».

« La violence à l’égard des femmes peut être physique, psychologique, économique… Mais surtout elle peut avoir lieu dans le cyberespace ! C’est une notion intéressante parce qu’il va falloir définir comment on peut contrôler ce qui s’y passe » – Louise Langevin

Les comportements qui auront donc été décrits par la loi, devront donc être bannis du campus, qu’ils aient lieu entre les étudiants, y compris durant les initiations, mais aussi entre professeurs et étudiants. C’est pour cette raison que la loi impose aussi aux universités de mettre en place un règlement encadrant les relations entre étudiants et personnes de pouvoir dans l’enseignement supérieur.

Qu’est ce qui va changer ?

« Sur notre campus, nous avons déjà un centre d’aide pour les victimes de harcèlement (le Centre de Prévention et d’Intervention en Matière de Harcèlement « NDLR »), et une politique en matière de harcèlement de toutes sortes. Ce que la loi va nous demander de faire en plus, c’est surtout mettre en place des formations obligatoires pour les dirigeants, les membres du personnel et les représentants des associations étudiantes. » – Louise Langevin

Selon la professeure de droit, les mesures existantes devraient probablement être réajustées en collaboration avec les spécialistes du domaine pour coller au mieux à la nouvelle loi.

Selon celle-ci, un rapport annuel sera rédigé et devra mentionner les mesures prises, les formations données, ainsi que le nombre de plaintes et signalements reçus. Selon Madame Langevin, si on peut penser que divulguer ces chiffres pourrait nuire à la réputation d’un établissement, ceci aura surtout pour but d’évaluer l’efficacité des règlements mis en place.

Pour rappel, les nouveaux règlements imposés par la loi sont à mettre en oeuvre pour le 1er septembre 2019.

Des ressources à l’UL 

Christine Delarosbil est sexologue et coordinatrice d’opérations au Centre de Prévention et d’Intervention en Matière de Harcèlement (CPIMH).

« Au centre de prévention on offre des services de soutien et aussi des solutions pour les personnes qui ont vécu harcèlement psychologique ou sexuel » – Christine Delarosbil

Les solutions proposées aux victimes de violences sexuelles sont de plusieurs ordres:

  • faire une plainte au criminel, auprès du Service de Sécurité et Prévention (SSP) ou du CPIMH
  • informer sur les justices alternatives
  • faire une demande d’indemnisation
  • trouver des accommodements pour la victime (avoir des délais, réorganiser ses cours, informer les professeurs sur les séquelles d’une agression pour qu’ils soient plus compréhensifs…)
  • faire de l’accompagnement, proposer du soutien moral
  • faire une conciliation avec le responsable de l’agression
  • présenter les mesures disciplinaires qui pourraient s’appliquer au responsable

Ces mesures font partie du règlement pour prévenir et contrer le harcèlement à l’Université Laval.

Selon Madame Delarosbil, il est important d’être critique sur les règlements que l’on met en place. C’est pourquoi, elle met l’accent sur le projet « Our turn » mené par une coalition nationale d’associations étudiantes. Celui-ci consiste en une évaluation de l’efficacité des politiques prises en matière de violences sexuelles sur les campus. Le groupe a donc classé les différents établissements du meilleur élève (l’Université Ryerson à Toronto) au moins bon (l’Université Concordia à Montréal).

La période post-agressions à l’UL

La réaction gouvernementale après les agressions d’octobre dernier dans une résidence universitaire de l’Université Laval a été la création du projet de loi 151. Madame Delarosbil nous parle des mesures prises par l’Université.

« Il y a toujours eu des agressions à caractère sexuel sur les campus, dans la population. Sauf que là ça a été médiatisé, donc la population a senti que oui c’est un problème généralisé, et surtout associé à aucun milieu particulier. C’est partout et il faut agir » – Christine Delarosbil

Selon la sexologue, de nombreuses choses ont donc contribué à révéler l’ampleur du problème. Elle évoque aussi l’affaire Harvey Weinstein qui a contribué à mettre en lumière le phénomène. Elle aborde aussi le #moiaussi qui a inondé les réseaux sociaux récemment et encouragé le gouvernement dans la réalisation du projet de loi.

« Il y a aussi eu la parution de ce sondage*  qui a accentué la sensation d’omniprésence du phénomène. Mais il reflète la réalité partout au Québec, ce n’est pas un problème de l’Université Laval, c’est social. » – Christine Delarosbil

*L’Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU) réalisée par quatre doctorantes de l’Université Laval concluant que 40% des étudiants de l’UL répondants, ont déjà été victime d’agression « NDLR »

Historique des violences sexuelles à l’Université Laval

La nouvelle politique en matière de prévention des violences à caractère sexuel résulte selon Madame Langevin comme selon Madame Delarosbil de plusieurs événements survenus l’année précédente.