Chaque citoyen est résident d’une demeure, qui occupe une rue, un quartier et une ville. Forte d’une grande expérience en matière d’implication citoyenne, madame Mireille Bonin, qui est également cofondatrice du regroupement Voix citoyenne, suggère qu’il serait normal et souhaitable que les citadins s’intéressent à leur milieu de vie. Cependant, elle constate le faible intérêt que la population de Québec accorde à l’égard de la politique municipale.

Mireille Bonin, militante et citoyenne engagée, se qualifie elle-même de « chercheur citoyen ». Elle consacre environ 60 heures de son temps par semaine à la lecture, à la mobilisation et à l’organisation d’événements divers pour faire entendre le point de vue des résidents de la ville de Québec.

Elle spécifie « qu’il y a, à peu près, 200 personnes qui participent de manière active [à l’engagement citoyen], c’est-à-dire qu’ils prennent le temps d’écrire des mémoires, de participer aux consultations citoyennes et de se présenter à des séances d’information, sur une population, au niveau de l’agglomération [de la ville de Québec], de 750 000 personnes. C’est pas beaucoup. » Pour madame Bonin, la population de Québec se désintéresse des enjeux politiques locaux en faveur des enjeux provinciaux, fédéraux et mondiaux. Pour elle, cela s’explique par la montée d’un cynisme politique généralisé. Elle se sert de l’exemple de ses enfants pour expliquer son point de vue :

À son avis, ce cynisme et ce désintéressement seraient en partie causés par les agissements des décideurs politiques en place. Selon elle, non seulement les élus agissent en vertu d’intérêts strictement économiques, mais ils ont peu de considération pour l’avis des citoyens. Elle évoque, à titre d’exemple, le projet du Phare. Ce projet du groupe Dallaire sera érigé sur le boulevard Laurier et est d’une valeur estimée à plus de 600 millions de dollars. Il consiste en 4 tours dont la plus haute aura 65 étages.


Une participation électorale faible

Le manque d’intérêt de la part des citoyens se manifeste aussi dans le taux de participation aux élections. L’élection provinciale de 2008 a enregistré un taux de participation de 57,43 %, soit le plus bas en 70 ans. Or, malgré qu’il soit historiquement bas, il demeure plus élevé que le taux de vote aux trois dernières dernières élections municipales dans la ville de Québec.

Pour ce qui est des données municipales antérieures à 2005, le Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) affirme ne pas les posséder puisque les premières élections simultanées, c’est-à-dire à la grandeur du Québec de façon synchronisée, ont eu lieu en 2005. Ainsi, seules les données des trois dernières élections municipales ayant eu lieu à Québec sont disponibles.

Quatre causes

Crédit photo : Journal Le Fil

Florence Piron est professeure titulaire à la Faculté des lettres et de sciences humaines de l’Université Laval. Elle s’intéresse, entre autres, à la démocratie participative et est l’instigatrice du projet « Accès savoir » qui vise un rapprochement entre les universitaires et les groupes de civils. Elle a travaillé en collaboration avec Mme Bonin et l’organisme Voix citoyenne à divers projets.

Elle évoque quatre principales raisons qui expliqueraient le faible taux de votation aux élections municipales :

  • Premièrement, elle estime que certains électeurs ne vont tout simplement pas voter aux élections municipales parce qu’ils sont satisfaits du travail effectué par l’administration en place.
  • Ensuite, elle mentionne que l’absence de partis politiques définis ayant des idées et des visions différentes et claires n’aide pas les gens à se faire une opinion. « C’est tellement centré sur les personnalités, que les gens vont dire « si je l’aime elle, je voterai pour elle, et si je l’aime lui, je voterai pour lui ». Du coup, s’il y a moins de visions qui s’opposent, et qu’on est habitué à quelqu’un, la personne va rester »
  • Aussi, Mme Piron pense que certains électeurs sont d’avis que le fait ou non d’aller voter ne changera rien à l’issue de l’élection, particulièrement dans le cas présent à Québec avec « une opposition qui n’offre pas d’alternatives (sic) vraiment intéressantes ».
  • Finalement, elle suggère que s’il y avait plus de débats et plus d’enjeux majeurs qui touchent les gens, ils se présenteraient davantage au bureau de vote :

Enjeux citoyens

Pour sa part, madame Bonin considère qu’il y a des enjeux de taille dans la ville de Québec qui devraient susciter l’intérêt lors de la prochaine campagne électorale municipale. Elle prétend que la question du troisième lien et de la mobilité durable sera, entre autres, à l’avant-plan. Elle souhaite qu’on aborde la question de la consultation citoyenne, qu’elle considère comme insuffisante et problématique à l’heure actuelle.

Mme Bonin suggère qu’une façon de favoriser l’implication des citoyens et d’augmenter l’intérêt envers la politique municipale serait d’instaurer un système de consultation publique. Il s’agirait d’implanter, par le biais d’une loi, un processus de consultation publique pour en faire « une pratique courante et intéressante ». Les citoyens impliqués, qui ont des bonnes connaissances, pourraient alors aller y faire entendre leur voix. Ceci favoriserait la circulation des informations en amont des projets, de même que la reconnaissance de la valeur des citoyens. Selon Mireille Bonin, avec cette reconnaissance de la valeur de l’individu, vient le goût d’en savoir plus sur la politique municipale et, par le fait même, l’augmentation du taux de participation aux élections municipales.

Mme Bonin estime que, même si la plupart des interventions menées par les groupes de citoyens pour initier un changement ne donnent pas les résultats escomptés, le rôle de militant a tout de même sa raison d’être. Au fil des années, elle considère que les petites actions concertées posées par les citoyens engagés ont changé les mentalités et ont contribué à modifier les paradigmes existants. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui demande un bon nombre de participants, de même qu’une régularité dans les interventions. Elle ajoute que le pouvoir se prend si l’on y met l’énergie nécessaire.

Interventions gouvernementales

Le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire est Martin Coiteux. (Crédit photo : Andrée-Ann Simard)

Joint par courriel, le Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire  (MAMOT) s’abstient de commenter le faible taux de participation aux élections municipales pour la ville de Québec.

De plus, aucun travail ou étude n’a été mené par le Ministère quant aux motifs expliquant les taux de participation aux élections municipales. Le Ministère précise qu’aucune donnée n’est compilée au sujet du taux de participation selon l’âge des électeurs.

De plus, le Ministère, dans le but d’améliorer le taux de participation électorale aux élections municipales, renouvellera l’expérimentation de deux nouveaux modes de votation. Le vote au bureau du président d’élection et le vote au domicile de l’électeur incapable de se déplacer pour des raisons de santé seront des options offertes par le Ministère aux élections de 2017.

Le DGEQ se charge des élections municipales autant que provinciales.(Crédit photo : Samuel Lessard)

Le Ministère précise que la présente stratégie de communication du Ministère vise à accroître les mises en candidature aux élections, dont celles des femmes et des membres de communautés culturelles.

De son côté, le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) par la voix de sa relationniste média, Alexandra Reny, affirme que son rôle est de favoriser la participation citoyenne.  Le DGE a un rôle que madame Reny qualifie de «complémentaire» avec celui du MAMOT. Il est toutefois trop tôt pour savoir quelle sera précisément la stratégie publicitaire de l’organisme.

Les élections municipales générales se tiendront le 5 novembre 2017 dans tout le Québec. Les citoyens seront conviés au scrutin dans plus de 1100 municipalités.