Les étudiants en médecine de l’Université Laval ont un poids en moins sur les épaules depuis le début de la présente session. Le système de notation en lettres et en chiffres, a été abandonné au profit de celui basé sur le principe du «succès-échec».

L’étudiant reçoit continue cependant, tout au long de la session, ses résultats selon le système littéral. Toutefois, seulement la mention «succès» ou «échec» sera visible sur son relevé de notes à la fin du trimestre. En d’autres mots, la notation traditionnelle sert principalement de repère pour l’étudiant.

Cette mesure, qui fait également ses débuts à l’Université de Montréal, a été mise en place dans le but de réduire le niveau de stress lié à la performance des étudiants et l’esprit de compétition entre ceux-ci; la différence entre 98% et 68% étant éliminée.

À Québec comme à Montréal, la formule «succès-échec» remplace le système traditionnel pour tous les étudiants qui effectuent leur préclinique, soit les premières années du programme de médecine.

Pour certains étudiants en médecine rencontrés, le passage de la notation littérale au modèle «succès-échec» ne fera que déplacer le problème. (Crédit photo: Flore Bibeau)

De son côté, la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke avait déjà adopté à l’automne dernier ce système pour ses étudiants de première année, ainsi que pour la notation des stages en externat.

Cette méthode «favorise la collaboration et la motivation intrinsèque tout en maintenant un niveau de qualité de formation puisque l’objectif premier devient la capacité d’agir avec compétence et non seulement la performance et le classement des uns par rapport aux autres», pouvait-on alors lire dans un communiqué de l’établissement de l’Estrie.

Les 17 facultés de médecine au pays utilisent maintenant le système de notation «succès-échec».

Par ailleurs, la vidéo suivante présente les étapes qu’un étudiant doit franchir pour d’abord entrer dans le programme de médecine et ensuite obtenir son diplôme.

Accueil mitigé chez les étudiants en médecine de l’Université Laval

Il s’agit d’un changement attendu par la communauté étudiante. Déjà, en mars 2013, l’Association des étudiants et étudiantes en médecine de l’Université de Montréal proposait «que pour la cohorte 2017, il y ait l’instauration d’une notation “réussite” ou “échec” aux examens [cliniques] ainsi qu’aux cours [Introduction à la médecine clinique] / [Introduction à la démarche clinique].»

Cependant, aujourd’hui, certains se questionnent à savoir si on ne déplace pas le problème.

«Dans le fond, au lieu d’avoir une pression pour les notes, ça va un peu aller à une pression pour le CV aussi», explique Jeanne Lavallée, étudiante en médecine de première année à l’Université Laval.

«Étant donné qu’il n’y a plus les notes, j’ai l’impression que ça s’en va ailleurs. Je pense que c’est une piste pour régler le problème, mais pas nécessairement la solution ultime et parfaite techniquement.»

— Jeanne Lavallée, étudiante en médecine

Jean-Baptiste Moretti, aussi en première année, abonde dans le même sens que sa collègue. Il affirme que la pression se fera davantage sentir dans les implications scolaires en vue de la course aux stages. De son côté, Sonia Chahine, également étudiante en médecine à l’Université Laval ne pense pas que ça va changer grand-chose.

Réduire l’anxiété

Ce n’est pas d’hier que le problème d’anxiété chez les étudiants en médecine fait les manchettes.

Un sondage mené par la Fédération médicale des étudiants du Québec (FMEQ) en 2012, rapporté par La Presse, montrait que près d’un étudiant sur cinq avait déjà songé au suicide.


De son côté, l’ombudsman de l’Université de Montréal, Pascale Descary, aujourd’hui coroner en chef du Québec, dépose, en mars 2015, un rapport spécial à l’attention du vice-décanat aux études médicales postdoctorales de la Faculté de médecine. Elle note que «dans une culture où la super performance et le perfectionnisme sont la norme, [le] cumul de responsabilités peut ultimement les mener, à défaut de soutien approprié, vers le burnout et la dépression, voire le suicide».

Puis, la même année, deux étudiants en médecine s’enlèvent la vie en l’espace de six mois au Québec, dont Anne-Sophie D’Amours, 23 ans, de l’Université Laval.

Dans une entrevue, quelques semaines après le décès de sa fille, sa mère raconte qu’Anne Sophie était prise dans une spirale où la volonté de ne pas paraître faible l’a menée à la dépression.

La coroner Andrée Kronström formule dans son rapport sur la mort d’Anne-Sophie D’Amours cinq recommandations, dont la révision des politiques d’évaluation des stages «afin d’atténuer les sources d’anxiété, de compétition et d’exclusion».

Ressources disponibles

De nombreuses ressources sont disponibles à l’Université Laval pour épauler les étudiants en médecine qui vivent des moments difficiles, notamment sur le plan psychologique. La Direction des affaires étudiantes de la Faculté de médecine, située au pavillon Ferdinand-Vandry, offre les services de conseillers tous les jours de la semaine.

Il y a également des réseaux d’aide qui sont offerts aux étudiants, explique Marie-Pier Vachon, secrétaire de gestion à la Direction des affaires étudiantes. «Les étudiants impliqués [dans les réseaux] vont pouvoir offrir de l’aide individuelle aux personnes qui les contactent que ce soit au niveau scolaire ou personnel».

Mme Vachon ajoute que «les mi et fins de session sont des périodes beaucoup plus achalandées», mais avoue que même les débuts de session le sont «afin de répondre aux diverses inquiétudes des étudiants».

Selon les étudiants interrogés par l’Exemplaire, l’Université Laval fait un bon travail de sensibilisation et de promotion des services qui leur sont offerts.

Il y a beaucoup de gens qui viennent nous rencontrer dans nos cours, raconte Sonia Chahine. «Bon après, est-ce que les étudiants vont vraiment aller voir les ressources, c’est à voir. Parce que des fois ça peut être un peu moins bien vu, on peut penser que t’es faible. On est quand même bien encadré je trouve, dès qu’on commence le programme. On reçoit aussi beaucoup d’informations par courriel. Je trouve que pour des étudiants dans la vingtaine, on est bien pris en charge!», conclut-elle.