Dans le cadre du mois de l’histoire des Noir.e.s 2020 à Québec, Camille Garon, âgée de 24 ans a organisé le 15 février l’événement « Célébrons les Afro-québécoises » pour célébrer et valoriser la femme noire québécoise. Son objectif : pousser les Canadiens à apprendre davantage au sujet des expériences des Noires dans la société québécoise.


Camille Garon, vous êtes une Afro-québécoise. Comment l’avez-vous vécu durant votre enfance ?

J’ai grandi dans un enjeu inter-racial et identitaire, étant dans une famille blanche, alors que moi je suis noire. Je suis d’origine haïtienne et j’ai été adoptée par une famille québécoise lorsque j’avais huit mois. À ma naissance, mon nom était Esther Cherry, donc c’est important pour moi d’utiliser ce nom car grâce à lui j’ai l’impression de faire un retour aux sources. Les Québécois me demandaient souvent d’où je viens vraiment, et les Haïtiens eux me disaient que je n’étais pas une vraie Noire. Donc je ne me sentais pas à ma place. Étais-je québécoise ou haïtienne ? Toutes ces questions m’ont amenée à cette réponse : je suis une Afro-québécoise.


Pourquoi avoir créé l’événement « Célébrons les Afro-québécoises » ?

C’est tout d’abord pour répondre à toutes ces questions identitaires que nous nous posons toutes et pour soulever tous les enjeux qui touchent l’inclusion sociale des femmes noires à travers le métissage culturel. Aussi, le quotidien des femmes noires est plus complexe dans la mesure où quand nous sommes avec les hommes blancs ou noirs, on ressent du sexisme, et lorsque nous sommes avec les femmes blanches, c’est le racisme. L’objectif de cet événement était de discuter avec les femmes noires entrepreneuses et de montrer les talents des Afro-québécoises. « Célébrons les Afro-québécoises » a permis de créer une plateforme pour les femmes noires de Québec afin qu’elles aient une fierté identitaire.


Pourquoi avez-vous voulu « féminiser » cet événement ?

Pendant mes études en sciences politiques, et en travaillant dans le monde féministe, j’ai remarqué que les femmes noires n’avaient pas beaucoup de place. Un autre constat, c’est que lorsqu’on parle du mois de l’histoire des Noir.e.s, on met plus en avant les hommes noirs. Et même lorsqu’il s’agit des enjeux des femmes, on valorise plus la femme blanche. J’ai donc décidé de mettre en avant les Afro-québécoises parce que je sens qu’il y a une sur-implantation quand on parle enjeux des minorités et enjeux des femmes. Lorsque ces thèmes sont abordés, on n’approche pas très souvent les femmes noires alors qu’elles sont sur le même pied d’égalité que les femmes blanches. J’ai donc voulu apporter cette intersexualité pour montrer que nous sommes bien présentes. D’ailleurs, je n’ai pas vu ces derniers temps de grands événements à Québec qui visaient à célébrer et à mettre en avant les Afro-québécoises, en dehors du salon international de la femme noire.


Au Canada, on célèbre le mois de l’histoire des Noir.e.s depuis 1995. Pour vous, que représente cette commémoration ?

Honnêtement, pendant mes études j’étais de celles et ceux qui pensaient qu’il faut renverser le système. Mais aujourd’hui, le mois de l’histoire des Noir.e.s c’est valoriser l’entrepreneuriat, l’émancipation des femmes et surtout mener des actions. Cela ne signifie pas qu’on doive forcément se faire de l’argent, mais trouver les actions nécessaires pour sensibiliser les gens et féliciter les personnes noires dans tout ce qu’elles ont pu faire jusqu’ici. Cependant, pour moi cet aspect de la commémoration de notre histoire ne veut pas non plus dire que nous devons oublier le passé. Non, le passé fait partie de notre identité, nous devons vivre avec et surtout continuer à nous battre pour valoriser nos communautés.


En tant qu’Afro-québécoise, quelle place occupe selon vous la femme noire aujourd’hui au Québec ?

Selon moi, la femme noire au Québec commence à avoir sa place. Il y a quelques années je crois que cette dernière était inexistante, que ce soit sur le plan, historique, politique ou culturel. Mais aujourd’hui, la femme Afro-québécoise s’investit beaucoup dans la société. De nombreuses femmes créent des entreprises et donnent des emplois à plusieurs jeunes. En somme, elles participent à la vie sociale de Québec.