La croissance importante du nombre de microbrasseries au Québec est accompagnée d’une immense masse de nouveaux produits. Alors que pour plusieurs consommateurs, il s’agit d’une excellente nouvelle, pour certains commerçants, il peut être compliqué de faire une place sur ces tablettes à toutes les bières disponibles sur le marché. Ainsi, il est alors difficile de se démarquer dans les magasins spécialisés en bières de microbrasseries.

Depuis au moins une dizaine d’années, le Québec connaît un engouement pour les bières de microbrasserie. Ce type de produits compte de nombreux partisans au travers de la province. Simon Rioux fait partie de ceux-ci. Détenteur d’une maîtrise en anthropologie qui portait sur les microbrasseries, il anime une chronique radiophonique sur la bière à la station CHYZ et il a lancé avec deux amis, un site de dégustation de bière qui se nomme L’Amateur de bière.

Simon affirme que sa passion pour la bière de microbrasserie peut s’expliquer par le fait qu’il y a beaucoup de variété et de saveur à découvrir. Il déclare : « Ici au Québec, on est connus pour faire des bières qui expérimentent beaucoup avec les saveurs et qui n’ont jamais été faites ailleurs. C’est ce qui est intéressant dans les microbrasseries, on peut trouver de nouvelles bières». De plus, il affirme que plusieurs bières brassées en microbrasseries s’inspirent des traditions provenant d’autres pays, ce qui permet d’avoir une grande diversité.

Les amateurs de bières de microbrasseries se distinguent parce qu’ils sont toujours à la recherche de nouveaux produits (Crédit photo: Laurent O’Connor-Blanchard)

Pour Simon Rioux, une des caractéristiques des amateurs de bières de microbrasseries est qu’ils sont toujours à la recherche de nouveaux produits. Il affirme : « Moi, personnellement, j’essaie beaucoup les nouveautés. Je veux goûter à tout ce qui est nouveau. Mais, j’ai des valeurs sûres dans les bières quand les nouveautés ne m’intéressent pas.»

Avec la prolifération des microbrasseries, le nombre de bières produites est aussi en hausse. Il peut alors être difficile pour le consommateur de choisir les boissons houblonnées qui l’intéressent. Pour sa part, Simon Rioux pense que toute cette diversité de produit est quelque chose de très intéressant.

 Avec tout le choix disponible sur le marché, il y a alors une problématique pour les amateurs de bières, selon Simon Rioux : « C’est certain qu’il est impossible de tout goûter. Il n’y a personne au Québec qui peut suivre le fil des nouveautés parce qu’il y en a tellement.» Il s’agit donc d’un défi majeur pour l’ensemble des microbrasseries qui doivent arriver à rejoindre le consommateur, qui peut choisir parmi une grande variété de bières.

Un effort de gestion constant pour les détaillants

La culture brassicole artisanale connait une popularité florissante au Québec. Pour les magasins spécialisés, la vente entraine son lot de défis. Félix Jouanneau, conseiller en bières de microbrasseries à La Boite à Bières estime que l’intérêt des Québécois envers ces produits est encore suffisant pour satisfaire le marché.

Le dépanneur spécialisé La Boite à Bières situé sur la route de l’Église à Québec possède un important inventaire de bières de microbrasseries (Crédit photo: Laurent O’Connor-Blanchard)

« Le nombre de microbrasseries a vraiment explosé. On a dépassé le seuil des deux cents au Québec et ça continue à augmenter », observe Félix Jouanneau. Selon le portrait de l’industrie brassicole au Québec réalisé par les l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ) en novembre 2018, de fortes augmentations ont eu lieu au cours des trois dernières années. À La Boite à Bières, l’apparition de nouvelles microbrasseries chaque année provoque un réaménagement des surfaces disponibles. « Il n’y a pas si longtemps, on a été obligé d’ajouter un réfrigérateur. Puis là, on pense déjà à un autre », explique le conseiller.

Bien que certaines brasseries se spécialisent dans certaines sortes de bières comme la populaire « Indian Pale Ale » ou IPA, d’autres proposent plus de variétés de bières. L’abondance des produits disponibles sur le marché soulève une autre contrainte d’espace. « Ça sature les tablettes et ça nous oblige à tasser des microbrasseries, car c’est impossible d’avoir et de commander tout ce qui existe », affirme M. Jouanneau. Il ajoute qu’il est également important pour le détaillant de suivre les tendances actuelles du marché, afin de rester à l’affût et de proposer à la clientèle les styles et les brasseries populaires. Par exemple, les bières de type IPA connaissent un « hype » et elles représentent près de la moitié du chiffre d’affaires de La Boite à Bières, ajoute Félix Jouanneau. Il n’est pas possible d’en garder trop en inventaire parce que cette bière qui fortement houblonnée, doit être vendu fraiche.

Il exprime toutefois une certaine appréhension, quant à un danger de saturation du marché à long terme. Présentement, le commerce de la route de l’Église, n’arrive qu’à vendre les produits d’environ 95 des 218 brasseries que compte le Québec.

Félix Jouanneau reconnait que la variété disponible sur les tablettes des détaillants en bières de microbrasseries représente une bénédiction, mais aussi un défi pour le consommateur. Il estime alors que le conseil lors de la sélection de produits s’avère un précieux outil autant pour le client que le commerce. Faire découvrir de nouvelles brasseries et orienter le consommateur vers de nouveaux arrivages permet à la fois d’offrir un bon service et d’aider à l’écoulement des stocks.

Chercher à se distinguer dans un milieu compétitif

Le défi le plus important des entreprises de microbrasseries est donc d’arriver à se distinguer pour que les consommateurs décident de choisir leur produit parmi tous ceux qui sont disponibles.

Denis Rheault est chargé de cours en marketing à l’UQAR. Il explique que pour que le consommateur choisisse une bière, il faut se démarquer soit avec l’origine géographique du produit ou avec des ingrédients originaux.

En raison des demandes de la clientèle qui est toujours à la recherche de nouveaux produits, les microbrasseries doivent créer une grande variété de bières. Évidemment, cela représente un défi important pour ces entreprises qui doivent s’approvisionner avec plusieurs ingrédients pour produire toutes les bières qu’ils offrent. Le coût des matières premières déterminera le prix de la bière en magasin. Denis Rheault affirme : « Le prix est le principal facteur de décision du consommateur. Il est difficile de convaincre un client d’acheter une bouteille de bière à 15$ même s’il s’agit d’une excellente bière». Dans ce contexte, les microbrasseries doivent donc s’assurer de fabriquer des produits qui vont respecter le pouvoir d’achat de la clientèle québécoise.

M. Rheault explique que dans le domaine du marketing, la méthode AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action)  s’applique à la vente de bières de microbrasseries dans les commerces. Ainsi, pour qu’un produit soit commercialisable, il doit tout d’abord attirer l’attention du consommateur avec de la publicité par exemple. Ensuite, il faut susciter l’intérêt. Le tout mène alors à provoquer un désir chez le consommateur qui le poussera à l’action en achetant le produit. Les microbrasseries doivent donc réussir à se démarquer dans un milieu qui est devenu extrêmement compétitif.

Ci-dessous, il y a une carte qui permet de visualiser le nombre de microbrasseries selon chaque région du Québec. Vous pouvez aussi cliquer sur une région en particulier dans la carte