La crise économique amenée par la pandémie de Covid-19 a favorisé la création du Panier Bleu, une base de données de commerçants et de producteurs québécois destinée à promouvoir l’achat local. Après quelques mois d’activités, le gouvernement provincial a décidé d’en faire également un plateforme transactionnelle pour permettre aux citoyens d’y acheter des produits. Toutefois, si des experts pensent que la transition est pertinente pour favoriser l’achat local, elle n’est pas sans limites. 

Le Panier Bleu a été instauré afin de relancer l’économie québécoise durement touchée lors des premiers mois de la pandémie. Pour le directeur général de l’Association des économistes québécois, Bernard Barraccu, le site permet aux entreprises québécoises de se faire connaître auprès de la population et d’afficher des produits faits au Québec. 

Inscrit au Panier bleu, Emmanuel Joncas, propriétaire de la boutique L’univers de la course à pied située à Rimouski, explique que « si tu tapes “chaussures de course” et “Rimouski”, tu vas tomber tout de suite sur [la boutique] ». 

Les limites du Panier Bleu

Malgré le travail effectué dans les derniers mois, Patrick Gonzalez, professeur agrégé au Département d’économie à l’Université Laval, ne croit pas que le gouvernement provincial a mis assez d’efforts dans la crise économique qui touche la province. L’économiste mentionne qu’une offre d’achat local comme celle proposée par le Panier Bleu n’est pas souhaitable. Au contraire, le Québec devrait reprendre son activité économique basée sur l’import-export le plus rapidement possible pour rétablir une stabilité économique, explique-t-il. 

« Le Canada est le dernier endroit au monde où une telle politique [de style locale] a un sens. Les Américains peuvent scander « Buy American ! » et continuer à boire du jus d’orange, mais pas nous ». – Patrick Gonzalez

En effet, M. Gonzalez estime que les entreprises québécoises ne sont pas équipées pour concurrencer efficacement les grandes chaînes de commerce en ligne. Selon lui, le commerce québécois a toujours été une industrie de réseau où la production passe par les grossistes et les détaillants internationaux. Il sait cependant que ce réseau de partenariats commerciaux est passablement décentralisé et qu’il faut s’assurer que l’économie québécoise n’y perde pas au change dans cette nouvelle méthode d’achat. 

« Le vrai problème, c’est l’investissement dans le commerce en ligne et l’accès des entreprises d’ici aux plateformes existantes ». – Patrick Gonzalez

Au mois d’avril 2020, le site du Panier Bleu n’avait que très peu de compagnies d’affichées, alors qu’il connaissait énormément de succès auprès des citoyens. Les candidatures et l’affichage des compagnies ont toutefois explosé depuis juin 2020. (Sources : Panier Bleu et Ministère de l’Économie et de l’Innovation)
À ses débuts, le Panier bleu n’offrait aucun affichage de produits. L’affichage de produits na débuté qu’au mois d’octobre 2020. (Sources : Panier bleu et Ministère de l’Économie et de l’Innovation)
Le site du Panier Bleu a connu une grande vague d’achalandage à son lancement, qui ne s’est pas poursuivie durant de le reste de l’année 2020, avant de reprendre vie lors de la période des fêtes. (Sources : Panier Bleu et Ministère de l’Économie et de l’Innovation)

Autre enjeu, au moment où l’achalandage sur la plateforme du Panier Bleu était le plus important, le site n’offrait pas de visibilité à beaucoup de commerces et de produits locaux comme le montrent les données compilées le Panier bleu.

Devenir un site transactionnel

Le 25 janvier 2021, le Panier Bleu a officiellement annoncé que le site amorcera une transition pour devenir une plateforme transactionnelle à l’automne 2021, afin d’offrir aux commerçants québécois la possibilité d’accéder directement au marché en ligne en leur donnant davantage de visibilité. 

M. Barracu affirme que cette transition contribuera à promouvoir une plus grande diversité de produits québécois disponibles en ligne en permettant aux clients de se les procurer directement auprès des commerçants locaux. Il reconnaît néanmoins que la transition du Panier Bleu vers une plateforme transactionnelle n’est pas une solution miracle pour relancer l’économie locale, mais qu’elle aidera assurément l’économie québécoise en difficulté. D’après ce dernier, une augmentation du volume des ventes assurera des coûts de production bas pour les entreprises québécoises figurant sur la plateforme.

« C’est connu, plus que tu vends, plus ton coût de production sera bas. On appelle ça le coût marginal ». – Bernard Barraccu

De son côté, Emmanuel Joncas pense que le projet du gouvernement de transformer la plateforme en site transactionnel sur lequel les gens pourront directement faire leurs achats est une bonne idée et pourra aider son commerce. 

« Si c’est comme Amazon, ce sera bien, car les commerçants pourront mettre leurs produits et les gens pourront magasiner directement sur le site. Ça va amener beaucoup de visibilité et va donner un coup de main aux commerçants ». – Emmanuel Joncas

La boutique « L’univers de la course à pied », située sur la rue Évêché à Rimouski. [Crédit photo : Mélissa Gaudreault]

Enfin, l’entrepreneur se questionne sur la meilleure solution pour assurer une croissance de l’économie québécoise stable et durable. Selon M. Joncas « ce n’est pas nécessairement de prioriser [le commerce] local qui va aider l’économie québécoise, mais plutôt de s’ajuster à la demande des consommateurs » et de tenter le plus possible de répondre aux besoins des clients en produisant localement.