L’augmentation du prix du lait au début du mois de février n’a pas surpris que les consommateurs. Guy Dessureault, propriétaire de la Fromagerie Domaine Féodal, témoigne des conséquences de cette hausse sur ses activités. 

La Fromagerie Domaine Féodal a dû augmenter ses prix de vente de 6% afin de rester rentable. L’entreprise n’est pas la seule à avoir pris cette décision. En effet, Ronald Alary, de la fromagerie Les Fromagiers de la Table Ronde, affirme devoir augmenter ses prix de 8%. Bien que les fromageries n’aient pas d’autres choix que d’augmenter leurs prix afin de pouvoir continuer leurs activités, Monsieur Dessureault est d’avis qu’elles ne doivent pas exagérer. « Ça ne devraient pas dépasser les 8% ».

Selon Monsieur Dessureault, il est trop tôt pour savoir si l’augmentation aura un impact sur la vente de fromages dans la mesure où, pour l’instant, la consommation se maintient. « Les clients ne sont pas dupes, ils vont acheter les produits selon leur rapport qualité-prix ». De plus, il est d’avis que les consommateurs vont apprendre à mieux gérer leur frigo afin d’éviter les pertes inutiles.

L’augmentation du prix du lait n’est pas la seule raison de l’augmentation des prix de vente du fromage. Charles A. Trottier, de la Fromagerie des Grondines, aborde dans le même sens que son confrère. « L’augmentation des salaires,  la difficulté de fidéliser les employés et les coûts de formation récurrents sont tout aussi importants », explique-t-il. Les deux fromagers mentionnent aussi des augmentations considérables en ce qui concerne le transport, l’emballage et l’entretien.

Les raisons derrière l’augmentation

La Commission canadienne du lait (CCL), qui encadre la gestion de l’industrie laitière canadienne, a pris la décision d’augmenter le prix du lait à la ferme en octobre 2021. Précisons que le coût du lait à la ferme n’est pas celui du détaillant. Il est question du prix du lait cru, qui n’a pas été transformé. Cette augmentation se justifie par la hausse des coûts de production, selon Chantal Paul, directrice des services intégrés de la CCL. Une étude de la CCL a en effet conclu que les  coûts de production avaient augmenté de près de 13% en 2020, mais que les revenus des producteurs laitiers n’avaient pas suivi cette hausse. C’est pourquoi le lait, comme bien d’autres produits de consommation courante, a augmenté de 8,4% en février.

Au Canada, le prix du lait est réglementé. Les producteurs laitiers doivent respecter les prix instaurés par la CCL. Les coûts de production sont en augmentation depuis 2020. Cependant, Chantal Paul explique que la récente augmentation du prix du lait à la ferme n’est que pour 2022. La hausse des coûts de 2021 a donc été complètement assumée par les producteurs, sans augmentation du prix du lait. Lorsque le prix du lait n’augmente pas, mais que les coûts de production sont à la hausse, les producteurs laitiers doivent faire preuve de débrouillardise afin de diminuer leurs coûts de production pour avoir un revenu convenable. « Il y a quand même un incitatif dans notre système à ce que les fermes deviennent de plus en plus efficaces », constate madame Paul.

Le circuit économique du lait

La CCL a pour mandat de fixer le prix du lait chez les producteurs, comme mentionné ci-haut. Elle essaie de se coller au plus près de la réalité des producteurs laitiers canadiens en analysant les coûts d’un échantillon représentatif de producteurs et en se référant aux données de Statistique Canada pour les coûts des matières premières et les coûts à la consommation.

L’augmentation de février risque de perdurer malgré la reprise de l’économie liée à la sortie de la pandémie. Puisque la guerre russo-ukrainienne influence à la hausse les marchés du pétrole, des céréales et des engrais, estime Maurice Doyon, professeur au Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval.

« Pour l’année prochaine, c’est un peu inquiétant », considère Chantal Paul de la CCL. L’Ukraine et la Russie sont de gros producteurs de céréales (blé, maïs, soja). La Russie est également un important exportateur d’engrais, de gaz et de pétrole dans le monde. Si les agriculteurs peuvent s’approvisionner en gaz et en céréales canadiennes, cela n’empêche pas que la guerre en Europe risque d’influencer les prix à la hausse dans le monde comme c’est déjà le cas avec le pétrole depuis le début de l’année. « Il y a beaucoup d’incertitudes, même si la COVID se calme », conclut madame Paul.

La réglementation de la RMAAQ concernant le prix du lait n’exclut pas seulement plusieurs types d’emballages, mais aussi plusieurs types de lait de consommation, tels que : le lait traité à ultra haute température (UHT), le lait microfiltré, le lait à durée de conservation prolongée, le lait certifié bio et le lait casher.

Ces laits non réglementés peuvent subir des variations de prix de l’ordre de 14% dans une même ville, comme à Sherbrooke, alors qu’il s’agit de la même marque, mentionne Maurice Doyon, agroéconomiste et professeur de l’Université Laval.

En d’autres termes, la hausse des prix du lait prêt à consommer est bien moindre que celle d’autres produits laitiers. Les autres éléments qui entrent dans la composition d’un lait protéiné, d’un fromage ou d’une crème glacée connaissent eux aussi une augmentation de leur prix, qui peut être supérieure à celle que vient de connaître les laits canadiens et québécois.

« Plus on s’en va vers un produit transformé, moins le prix du lait est important » – Maurice Doyon

Produits spécialisés - le lait
Plus il y a de choix dans les épiceries, Plus il est difficile de rentabiliser un type de produit qui subit des hausses de prix. Les épiceries proposent donc régulièrement des spéciaux et des réductions pour que les produits tournent davantage. Ce n’est pas le cas chez Costco ou Walmart par exemple, qui ont moins de choix dans les produits mais plus de facilité à les écouler, explique Maurice Doyon. (Photo : Claudia Camplong)