Le milieu cinématographique se porte plutôt bien à Québec malgré de nombreux défis et difficultés. Des problèmes de financement institutionnel à la réalisation des films et de précarité individuelle des cinéastes sont les principales embûches pour vivre pleinement de cet art dans la capitale nationale.

« Les défis [à Québec] sont les mêmes que partout ailleurs, c’est-à-dire de faire du cinéma de qualité, de ne pas courir après un fantasme hollywoodien, de faire un cinéma de Québec », explique le professeur de cinéma Jean-Pierre Sirois-Trahan qui enseigne au département des littératures de l’Université Laval. « Le cinéma a toujours été en crise, si on prend les journaux d’époque on disait aussi que le cinéma était en crise », dit-il. Pour lui, le cinéma a toujours été difficile à financer. Malgré tout, cela ne l’empêche pas de constater que les jeunes cinéastes partent souvent à Montréal en espérant démarrer leur carrière.

Ce fut le cas notamment d’une cinéaste primée comme Chloé Robichaud, réalisatrice originaire de Cap-Rouge, à qui l’on doit Sarah préfère la course ou plus récemment Pays. Pourtant, de jeunes réalisateurs choisissent de rester à Québec dont Jean-Philippe Nadeau-Marcoux. L’enseignant en cinéma au Campus Notre-Dame-de-Foy ne vit pourtant pas exclusivement de son art. « Ça m’arrive de faire des films de fiction, mais plusieurs cinéastes se lancent dans le cinéma corporatif et gagnent bien leur vie en tournant de la publicité par exemple ». Il observe lui-même une exode des cinéastes vers Montréal. M. Nadeau-Marcoux cite notamment le cas de Henry Bernadet et Myriam Verreault qui sont rendus à Montréal malgré le succès de leur film À L’Ouest de Pluton tournée en banlieue de Québec.  Cette réalité n’est toutefois pas inéluctable:

Le nerf de la guerre : le financement

« Le budget moyen pour un film à Montréal est de 2.5 millions de dollars. Il y a beaucoup d’iniquités en ce qui concerne les subventions qu’on reçoit et le problème n’est toujours pas réglé. À Québec, les cinéastes doivent souvent trouver d’autres sources de financement et compter sur des réseaux de bénévoles pour les aider. », explique Jean-Philippe Nadeau-Marcoux. Des réalisateurs parviennent malgré tout à tirer leur épingle du jeu, mais avec difficulté. Récemment, le trio de réalisateurs Thierry Bouffard, Édouard A. Tremblay et Steve Landry est parvenu à réaliser Feuille Morte, une fiction post-apocalyptique, à l’aide d’un micro-financement public d’à peine 200 000 de dollars de la part de Téléfilm Canada. Le film acheté par la chaîne de télévision Super Écran a été diffusé au festival Fantasia à Montréal et au Festival de cinéma de la Ville de Québec où il a fait salle comble. L’avenir de ce long-métrage demeure pourtant incertain.

Le cinéma à Québec n’est pas totalement en manque de moyens. Il compte sur des coopératives telles que Spira ou l’organisme Kinomada qui permettent, entre autres, des partenariats avec d’autres villes dans le monde, ce qui peut aider à faire rayonner les réalisateurs d’ici.

Le milieu cinématographique à Québec, petit, tissé serré, mais diversifié

Le milieu cinématographique de Québec présente des avantages. Pour Jean-Philippe Nadeau-Marcoux : « C’est plus facile d’avoir de l’aide parce qu’il y a moins de gens, moins de concurrence et c’est beaucoup cette mentalité de collaboration plutôt de compétition qui est présente à Québec. On est des gens avec peu de moyens et pour aller au-delà de nos aspirations, on a pas le choix de s’unir, parce que sinon on ne pourra pas faire de films capables de rivaliser avec ceux de Montréal. ». Le milieu apparaît donc tissé serré et plusieurs personnes de l’industrie n’hésiteront pas à s’engager comme bénévole, simplement par passion du métier. Cela apporte plus de flexibilité aux cinéastes qui agissent parfois en marge d’un système commercial, davantage présent dans la métropole, et qui tend à faire de l’ombre aux productions ailleurs en région.

Le milieu de Québec force les cinéastes à se diversifier. Selon Claudine Thériault, directrice artistique de la coopérative Spira, les cinéastes sont capables d’exercer plusieurs fonctions :

Cela n’empêche pas une spécialisation des acteurs de l’industrie qui vont se professionnaliser tout en apprenant les nombreux rouages du cinéma. Plusieurs réalisateurs auront aussi tendance à partir à Montréal pour revenir à Québec ensuite.

Claudine Thériault croit par ailleurs que : « Le milieu à Québec est plus petit, mais en même temps les cinéastes à Montréal n’auront pas nécessairement plus de facilité. C’est vraiment la persévérance qui va jouer. Il y a toute une industrie qui travaille pour qu’à Québec, il y ait des choses qui se passent. ».

Jean-Philippe Nadeau-Marcoux pense que la production cinématographique hors de Montréal est nécessaire. Il croit non seulement que Québec, mais aussi les régions devraient aussi être mis en valeur : « Je crois que le Québec est une entité qui n’est pas centralisée à un seul endroit. Il a fallu que Pierre Perreault aille filmer dans les régions à la fin des années 1950 pour que quelqu’un le fasse. Aujourd’hui les cinéastes des régions ont des formations et peuvent en parler de l’intérieur. Si on a accès à ce cinéma-là, ça va peut-être changer le regard qu’on a du Québec ».