Le vote est terminé. Les résultats sont serrés. Les échanges autour du référendum étudiant sur le laissez-passer universitaire (LPU) pour le transport en commun dans la région ont été musclés. Et comme c’est maintenant coutume, les réseaux sociaux ont servi de champ de bataille pour les camps du OUI et du NON.

Au final, un peu plus de 54% des membres de la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL) qui ont exercé leur droit de vote ont dit oui au LPU.

Ce résultat signifie que tous les étudiants inscrits à temps complet verront 120,60$ être ajoutés à leurs droits de scolarité pour le LPU dès l’automne 2019. Ce dernier leur donnera un accès illimité aux services de transport en commun de Québec et de Lévis, de l’accès au traversier entre les deux rives. Seulement quelques catégories d’étudiants peuvent faire une demande d’exclusion, soit ceux:

  • Entièrement inscrits à distance qui résident à l’extérieur du territoire du RTC et de la STLévis ;
  • Inscrits au doctorat en cotutelle qui sont localisés dans une autre université ;
  • Inscrits à la maîtrise en cheminement bidiplômant qui sont localisés dans une autre université ;
  • En situation d’handicap qui sont incapables d’utiliser les services de transport en commun du RTC et de la STLévis.
Les étudiants de l’Université Laval avaient du 19 au 26 novembre dernier pour exercer leur droit de vote, soit sur place ou en ligne. (Crédit photo : Sébastien St-Onge)

Le débat fut un des plus polarisés de l’histoire de l’Université Laval. Sur les réseaux sociaux, la page Facebook Spotted : Université Laval, qui offre une plateforme anonyme, s’est retrouvée inondée de publications sur le référendum et a donné lieu à des échanges soutenus dans la section des commentaires.

Les administrateurs de la page n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue de l’Exemplaire.

D’un côté, le OUI faisait valoir les bienfaits d’une telle mesure sur l’environnement et la congestion routière. De l’autre, le NON déplorait que ceux qui utilisent leur voiture pour aller à leurs cours et qui déboursent déjà une vignette de stationnement doivent également payer. Les publications ont parfois frôlé les attaques personnelles, comme on peut le voir dans le diaporama ci-dessous.

Un enjeu concret

Selon la secrétaire de référendum, Annabelle Lemire, c’est le pragmatisme de la question qui a polarisé le débat.

«Je crois que c’était extrêmement concret comme mesure par rapport, par exemple, au dernier référendum qui était sur [l’affiliation à l’Union étudiante du Québec (UEQ)]», explique-t-elle. «Parfois les gens, j’ai l’impression qu’ils ne comprenaient pas ce que pouvait amener l’UEQ dans leur vie, donc ça les amenait moins à se prononcer. Là les gens voyaient vraiment : “OK je dépense 120$, je vais avoir du transport en commun” ou “je dépense 120$ et j’en ai pas besoin”. Bref, toutes les raisons qu’on pouvait entendre dans le cas du référendum».

Il était également difficile pour les gestionnaires du référendum d’encadrer les débats sur les réseaux sociaux, affirme Mme Lemire dans cette entrevue.

La formation officielle d’un comité partisan du NON aurait permis de débloquer des fonds pour mobiliser des étudiants et d’organiser un débat à l’université qui aurait offert «un espace où on peut débattre respectueusement sur la question», note Mme Lemire.

Annabelle Lemire ne croit toutefois pas que les échanges sur les réseaux sociaux auraient diminué.

Rapide perte de contrôle

Lena Hübner, étudiante au doctorat en communication à l’Université du Québec à Montréal, estime que les réseaux sociaux ne sont pas les endroits les plus appropriés pour tenir des débats.

Selon elle, le fonctionnement de Facebook, par exemple, peut favoriser des espaces de polarisation d’opinion. Cela est d’autant plus lorsque l’anonymat est protégé, comme c’était le cas avec la page Spotted : Université Laval.

«Les recherches qui ont été faites sur les discussions en ligne, surtout sur Facebook, ont toujours montré qu’il y a très peu d’échanges rationnels entre deux ou trois personnes sur un sujet.» — Lena Hübner, étudiante au doctorat en communication à l’Université du Québec à Montréal

Elle ajoute que «ça dégénère vite, parce qu’il y a des gens qui ne répondent pas nécessairement à la personne juste avant, ils vont juste mettre leur opinion, donc ça devient un petit peu un dialogue de sourds. Ça n’a jamais vraiment été une place très appropriée pour un vrai débat.»

L’étudiante au doctorat a pu constater que de nombreuses personnes considéraient difficile d’avoir de vrais débats sur les réseaux sociaux. Le fait de ne pas clairement voir le deuxième degré dans un commentaire fait que «les gens se sentent vite insultés. Ça n’aboutit pas à une vraie conversation, une vraie discussion où quelqu’un peut vraiment peser le pour et le contre», renchérit-elle.

Taux de participation historique

Malgré tout, la CADEUL demeure satisfaite du déroulement du vote et de son résultat, puisqu’elle porte ce projet depuis 2005. De plus, ce scrutin a permis d’atteindre un sommet historique pour le taux de participation par rapport aux auters consultations qui ont été menées par la CADEUL.

Cette ligne du temps illustre l’évolution de cette unité de mesure au fil des ans :

La secrétaire référendaire n’est pas surprise d’un tel engouement en raison de l’aspect financier de la question. «On constate que c’est quand même un enjeu qui appelait les étudiants à se prononcer, donc on est très satisfait».

Pour la petite histoire, l’Université Laval, les étudiants, le Réseau de transport de la Capitale (RTC) et la Société de transport de Lévis (STLévis) devront maintenant s’asseoir ensemble pour assurer la mise en œuvre du projet.

«Tout le monde va s’asseoir ensemble, on va regarder comment on met ça en œuvre et c’est à la suite de ce travail-là qu’on va peut-être pouvoir faire une annonce conjointe pour dire comment ça va se présenter», résume Rémy Normand, président du RTC.