Avec ses 600 millions d’utilisateurs et son statut de deuxième « réseau social préféré » des ados, le réseau social Instagram – consistant à poster et échanger des photos – est devenue une place incontournable pour les marques de mode, alimentation, grandes surfaces etc.
De plus en plus « d’influenceurs »  personnes populaires et suivies sur les réseaux sociaux – vendent produits et services à travers leurs photos. Et à Québec aussi, plusieurs instagrameurs très suivis se font de l’argent grâce à leur compte.

Avec ses 75 000 « followers », Sarah Couture est aujourd’hui une des pointures de la communauté Instagram québécoise. A 28 ans, la jeune femme a déjà travaillé avec une trentaine d’entreprises qui souhaitaient profiter de sa popularité numérique. Elle est ce qu’on appelle aujourd’hui dans le monde du marketing : un influenceur. C’est une personne disposant d’un compte sur un réseau social, et diffusant régulièrement un nombre important de contenus à une communauté large et fidèle. Les marques font de plus en plus appel aux influenceurs pour la simple et bonne raison qu’ils vont avoir une influence sur la consommation des gens. Et l’expérience de Sarah en témoigne :

« Certaines personnes viennent consulter mes photos pour savoir où j’ai acheté tel vêtement, chez quel coiffeur j’ai été, quel maquillage je porte etc. »

Un voyage au Mexique aux frais d’une compagnie aérienne, une marque de yaourt qu’elle va manger au petit-déjeuner, un shampoing qu’elle va utiliser tous les jours… Voilà le genre de produits que Sarah Couture va mettre en valeur grâce à des photos de son quotidien qu’elle poste sur son compte.

« Une manière peu coûteuse de faire de la pub »

Kase Me, une entreprise de Beauce qui crée des coques de smartphone, considère l’instagrameuse québécoise comme une de ses principales « influenceuses ». William Giroux, co-propriétaire de cette jeune compagnie née il y a à peine un an, explique cette démarche marketing :

« C’est une manière peu coûteuse de faire de la publicité. On envoie une coque aux instagrameurs, qui vont ensuite poster une photo avec et mettre #KaseMe en légende. L’avantage de ce réseau social par rapport à Facebook, c’est que les usagers font très attention aux contenus des personnes qu’il suivent. 80 % de nos ventes issues des réseaux sociaux proviennent d’ailleurs d’Instagram. »

En tout, Kase Me a travaillé avec près de 200 influenceurs, qui ont chacun au moins 5 000 abonnés. Si Sarah Couture préfère ne pas dévoiler le montant de ses contrats, la jeune femme avoue néanmoins « bien vivre » des revenus générés par son compte Instagram.

Samedi, je t’aime ?#saturdayvibes #conceptclothing #kaseme #comfylook

Une photo publiée par Sarah Couture (@sarahcout) le

Au tour de Québec

Trois quarts des adultes québécois utilisent les réseaux sociaux. Parmi eux, plus de la moitié affirment suivre au moins une entreprise. Et presque autant disent « se fier aux avis et aux recommandations de leurs contacts sur les réseaux sociaux ». Ces constats proviennent d’une enquête financée par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et réalisée par le CEFRIO.

Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant d’apprendre que les grandes entreprises nationales s’intéressent de plus en plus aux influenceurs. En effet, ces derniers sont d’excellents relais publicitaires au niveau local. Desjardins, Rogers ou même Uniprix suivent le phénomène. Cette dernière entreprise a même généré des ventes à 250% supérieures à la moyenne, en organisant simplement dans ses enseignes des rencontres avec une instagrameuse québécoise reconnue.

La ville de Québec semble d’ailleurs consciente de ce phénomène et a organisé en août 2016 un « instameet ». Organisé par l’office de tourisme de la ville, l’événement consistait à réunir des instagrameurs locaux pour mettre en valeur la capitale sous le hashtag #qcim16.

Laurie, alias Petite douceur sur Instagram, parle d’ailleurs d’une véritable « communauté d’instagrameurs à Québec, notamment à l’Université Laval », où elle-même étudie. Avec ses 6000 abonnés, la jeune fille de 21 ans se considère elle aussi comme influenceuse. Spécialisée dans la photographie culinaire, l’étudiante en nutrition a déjà fait de la publicité pour une dizaine de marques, gagnant parfois « quelques centaines d’euros par photo. »

« J’ai commencé à faire de la publicité à partir de 5000 abonnés. Pour cette année, je vise les 10 000 ! Plus tu as d’abonnés, plus tu as d’influence. On en a notamment beaucoup sur les jeunes filles. Pour ça, j’essaie de faire preuve de responsabilité quand je crée des partenariats avec des marques. »

Ci-dessous un post Instagram de Laurie annonçant son partenariat publicitaire avec la boulangerie St-Méthode.

Je suis très heureuse de vous annoncer que je serai ambassadrice pour @stmethode tout au long de l’année à partir de maintenant ? en plus de faire partie d’une belle brochette de talents et de partager du contenu intéressant, j’aurai le plaisir de vous partager des recettes inventées par mes petites mains qui mettront en valeur leurs délicieux pains. Vous pourrez découvrir ces recettes sur leur blogue et sur le mien ! ???? MERCI pour votre grand soutien particulièrement ces derniers mois vos commentaires me poussent sans cesse à me dépasser et c’est grâce à vous si je me rapproche un peu plus de mon rêve ☀️ #stmethode #ambassadrice #stmethodeXpetitedouceir #petitedouceur #girlboss #love #workhard #dream

Une photo publiée par Laurie (@petitedouceur.x) le

58% des internautes reconnaitraient les pubs sur Instagram

« La popularité des influenceurs ne cesse de croître » affirme Adrien Tombari, journaliste spécialisé dans les questions de marketing et de publicité à Infopresse.

Mais les usagers d’Instagram sont-ils « dupes » ? Une étude suédoise de 2016 semble indiquer le contraire. Les données situées ci-dessous sont tirées de ce rapport, qui s’appuie lui-même sur les réponses de 162 usagers d’Instagram qui suivent des pages d’entreprises.

« Influenceur », un métier ?

Même si pour la plupart de ces influenceuses québécoises, Instagram demeure un hobby, les cadences de publications sont tout de même exigeantes. Chaque jour, de nouvelles photos doivent être publiées sur Instagram, même chose pour Facebook… Et en plus de ces pages à alimenter, la plupart tiennent souvent un blog. Articles, chroniques, vidéos : les contenus y sont plus travaillés et tout aussi réguliers.

Mahay, suivie par plus de 50 000 followers, confesse devoir prendre beaucoup de photos chaque jour afin de générer de l’activité sur son compte. Pour ce qui est des partenariats avec les marques, la jeune fille de 24 ans fait appel à une agence spécialisée à Montréal qui gère les termes et les rémunérations de ses contrats.

Ce genre d’agence se développe partout dans le monde, et il est de plus en plus simple d’officialiser son « statut d’influenceur », comme le montre ce site.

www.ifluenz.com propose aux Instagrameurs de rémunérer des photos contre des placements de produits. Crédit photo : capture d'écran de www.ifluenz.com
www.ifluenz.com propose aux Instagrameurs de rémunérer des photos contre des placements de produits. Crédit photo : capture d’écran de www.ifluenz.com

 

Mais pour certains, la vie d’influenceur n’empiète pas trop sur le quotidien. Kameliagill, étudiante en psychologie à l’Université Laval, est suivie par près de 20 000 personnes. Elle raconte son expérience :

« Instagram, c’est juste un petit plus. C’est assez facile à lier avec les études. Je connais mes contrats à l’avance, je peux donc m’ajuster en conséquence. (…) Je ne fais pas grand-chose de spécial pour attirer les marques. C’est hyper important pour moi de ne pas en faire une priorité. »

Mais quel que soit leur succès, peu d’influenceurs se voient exercer ce « métier » à long terme. Malgré ses 75 000 abonnés, Sarah Couture est la première à s’interroger sur son avenir :

« Qu’est-ce que je ferai dans deux ans ? Je ne sais pas. En attendant, ce que je fais actuellement, c’est du marketing, de la gestion de réseau social. Ça pourra m’aider pour plus tard. Et puis si ça se trouve, d’ici là, tout le monde sera sur un nouveau réseau social qui n’existe pas encore ! »