D’après une étude réalisée par Pascal Huguet et Isabelle Régner, les filles se sentent intimidées lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de géométrie et obtiennent de meilleurs résultats lorsque le même défi est qualifié de problème de dessin. (Crédit photo : national-cancer-institute unsplash royalty free)

À retenir !
• Les stéréotypes présents en bas âge et le manque de modèles féminins influencent les jeunes filles à moins considérer une carrière de scientifique.
• En favorisant la reconnaissance de leurs compétences dans différentes matières académiques, les jeunes filles seront motivées à entreprendre une carrière en science.
• Les femmes de science produisent moins que les hommes parce qu’elles cessent leurs activités plus tôt. Favoriser la longévité de la carrière des femmes en science permettra l’émergence d’une plus grande quantité de modèles féminins afin de favoriser la relève.

 

Dès leur plus jeune âge, les filles négligent les études liées aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques (STEM). Ce fossé entre les sexes se creuse dès l’enseignement secondaire et continue de s’accroître au fil du temps. D’après une étude publiée en janvier 2022 par l’Université de Deusto en Espagne et menée par le professeur Mariluz Guenaga, les causes de ce problème sont multiples. Les stéréotypes de genre en font partie. Le genre est continuellement construit et négocié à travers la personnalité d’une personne, ses interactions avec les autres, les communautés et la culture. Par le biais d’un processus de socialisation, les femmes et les hommes intériorisent des caractéristiques stéréotypées. Ils développent des attentes, des aspirations et des capacités différentes pour se conformer aux rôles sociaux. Les caractéristiques stéréotypées des rôles sexuels peuvent être un facteur déterminant de la faible motivation des femmes à réussir et de leurs attentes négatives en matière de performance. Les stéréotypes se forment dès l’enfance, tandis que l’identité de genre se définit. Dès l’âge de 2 ans, les filles ont un goût plus prononcé pour la couleur rose que les garçons. Selon l’étude, « le problème n’est pas la couleur rose, mais ce qu’elle représente : l’étiquette « Je suis une fille » et les attentes limitatives qui en découlent ».

Par exemple, l’étude de Lin Bian, professeure-assistante à l’Université de Chicago, publiée en 2017 où ?, soutient cette thèse en montrant qu’à l’âge de six ans, les participants associent des capacités intellectuelles de haut niveau (génie, brillance, etc) aux garçons plutôt qu’aux filles. Ce stéréotype façonne les intérêts des enfants et est susceptible de restreindre l’éventail des études et des professions que les filles pourront un jour envisager.

D’après l’étude menée par Mariluz Guenaga, la faible présence des femmes dans les études et les professions scientifiques est aussi liée à la méconnaissance des sciences et de leur intérêt de la part des filles. Les causes interagissent les unes avec les autres. En effet, les stéréotypes de genre empêchent les filles de s’intéresser et de se tourner vers les STEM. Par conséquent, ne s’y intéressant pas, elles ne connaissent pas réellement les enjeux de ces domaines et leurs intérêts pour surmonter les petits et grands défis de la société.

Le passage de l’enfance à l’adolescence s’accompagne d’un besoin de s’identifier, de se comparer, mais aussi de reconnaître ses compétences. Il s’agit là d’un moment clé du développement de l’estime de soi chez les jeunes filles. Cependant, les stéréotypes de genre et les perceptions erronées sur les différences de capacités intellectuelles entre les femmes et les hommes influencent les filles dès leur jeune âge à raisonner dans cet esprit. Ainsi, elles tendent à tourner rapidement le regard sur un possible futur dans le domaine des sciences et technologies alors réservé aux hommes selon leur perception biaisée. Ce manque de confiance en leur capacité à poursuivre une carrière scientifique les démotive et les dé

Une autre problématique qui limite l’accès à des emplois en sciences et technologies est le manque de modèles féminins. Les effets bénéfiques de leur présence ont été confirmés à diverses reprises à travers des études oque les filles qui choisissent de poursuivre des études supérieures en science ont généralement des parents, et spécialement une mère, qui ont étudié dans ces domaines. L’équipe de Mariluz Guenaga croit que les jeunes filles en général manquent de connaissances par rapport aux métiers qui existent en sciences et technologies. De ce fait, elles ne parviennent pas à identifier les femmes de leur entourage qui exercent un rôle en science et qui pourraient leur servir de modèle. Le programme Inspira STEAM intègre une séance dédiée au partage de ces connaissances. Après le déroulement du programme, les résultats ont révélé que les filles parvenaient à identifier plus de femmes dans leur entourage liées au domaine des sciences et technologies. Bien que ce soit une réussite du côté de la formation des jeunes filles, le manque de modèles féminins est également relié à la présence généralement faible des femmes aux études supérieures en science.

Une carrière académique limité

Bien comprendre les obstacles et les motivations qui influencent le choix des jeunes filles à choisir une carrière en recherche est important. Mais qu’en est-il du parcours des femmes après avoir opté pour ce choix de carrière ? Les statistiques indiquent que même si le nombre de femmes en science a considérablement augmenté depuis les années 50, cette augmentation est paradoxalement accompagnée par une diminution progressive de leur productivité par rapport aux hommes. Et ce dans tous les domaines concernés par la science. C’est la raison pour laquelle il ne suffirait pas d’augmenter le nombre de femmes faisant de la recherche scientifique pour réduire les inégalités envers les hommes dans ce domaine. Même une fois leur carrière entamée, les femmes devront adopter un parcours différent, non seulement en ce qui a trait à leur salaire, mais aussi au niveau de la reconnaissance par les pairs et du nombre de citations que généreront leurs travaux.

C’est ce que révèle une étude exhaustive publiée en 2020 dans la revue « The proceedings of the national academy of sciences » et intitulée « Historical comparison of gender inequality in scientific careers across countries and disciplines ». Les auteurs y ont répertorié les activités scientifiques de 1,5 million de chercheurs, hommes et femmes, dont les publications représentent le tiers des recherches publiées entre 1950 et 2010.

On y apprend qu’une fois leurs carrières terminées, les femmes auront produit en moyenne 30 % moins que les hommes peu importe la discipline, le pays ou l’affiliation institutionnelle. Les hommes recevront aussi 30 % plus de citations pour leurs travaux que les femmes. La question principale à laquelle tente de répondre l’étude est : quelles sont les caractéristiques d’une carrière académique qui nuisent à la productivité des femmes ?

Les résultats ont montré contre toute attente que lorsqu’évalué sur une base annuelle, le taux de production est identique entre les femmes et les hommes, et ce tout au long de leurs carrières. De plus, le nombre de citations obtenues par les femmes comparé à celui des hommes dont la durée de carrière est semblable est aussi similaire. C’est plutôt au niveau de la longévité que les femmes se distinguent. Elles cessent leurs activités de recherche plus tôt que les hommes, peu importe leur discipline, leur pays ou leur affiliation universitaire. Cette tendance est à la hausse. C’est-à-dire que depuis 60 ans la vitesse à laquelle le système académique perd ses femmes ne cesse de s’accélérer. De plus, ces pertes sont répertoriées à toutes les étapes d’une carrière universitaire. L’ampleur généralisée de ce phénomène amène à penser que certaines caractéristiques du milieu académique favorisent le retrait hâtif des femmes.

À la lumière de ces résultats, les auteurs de l’étude suggèrent que les efforts visant à réduire l’écart entre les femmes et les hommes de science se concentrent davantage sur les facteurs qui limitent la durée de vie active des carrières féminines. Parce que si la carrière des hommes dure plus longtemps, ils se retrouvent à combler les postes de chercheur senior en plus grande quantité. Encore plus d’hommes se retrouvent alors avec la possibilité d’offrir du mentorat aux jeunes aspirants. Le résultat est que les femmes donnent l’impression d’obtenir moins de succès et par le fait même deviennent moins aptes à présenter un modèle de réussite auprès des jeunes filles.

Il faut préciser qu’une des limitations de cette étude est que les données ont été recueillies entre 1950 et 2010. Par conséquent, les efforts encourus depuis ce temps n’ont pu être considérés. Il se peut que la situation se soit améliorée au cours de la dernière décennie.