Le hockey féminin suscite un engouement considérable dans la ville de Québec. Une foule impressionnante d’un peu plus de 18 000 spectateurs a assisté à la rencontre à Québec dans le cadre de La Grande Tournée LPHF, une série de neuf matchs disputés sur des glaces neutres. Christian Lemelin, journaliste à la retraite passionné de hockey féminin, documente et couvre ce sport par l’intermédiaire de sa page Facebook Parlons hockey, au féminin. Il suit le hockey féminin depuis le début des années 2000 et a été témoin d’une montée de l’engouement à Québec et ailleurs dans la province. Depuis quelques années, il couvre le hockey féminin à tous les niveaux au Québec. Il a notamment remarqué l’intérêt grandissant pour le hockey féminin par l’engagement du public avec le contenu qu’il produit sur le web. Au cours des derniers mois, ses publications ont cumulé plus d’un million de vues mensuelles.

photo de Christian Lemelin, journaliste à la retraite qui s'intéresse au hockey féminin
Christian Lemelin est un journaliste à la retraite qui s’intéresse de près au hockey féminin. Il est derrière la page Facebook Parlons hockey, au féminin (photo : Monlimoilou).

Lors du début de la saison de la LPHF, l’ancien journaliste a également observé une tendance intéressante dans la ligue professionnelle. « Les équipes avec les meilleures assistances sont les équipes canadiennes », affirme-t-il. L’Exemplaire a analysé le nombre de spectateurs par match, cette fois-ci jusqu’au 16 février 2025. Cette analyse n’inclut pas les rencontres de La Grande Tournée. Tout comme les observations de Christian Lemelin en début de saison, les statistiques démontrent une tendance à une assistance plus forte au Québec et ailleurs au Canada comparativement aux États-Unis. Montréal est la ville ayant la deuxième meilleure moyenne d’assistance de la ligue. 

Engouement du public

La même tendance a été observée lors des matchs de La Grande Tournée. Le nombre de billets vendus était plus important à Vancouver et à Québec. Selon M. Lemelin, cet engouement du public pourrait être un indicateur prometteur pour l’établissement d’une équipe de la LPHF à Québec. Cependant, il garde une certaine réserve quant à la capacité de maintenir un public suffisamment nombreux à chaque match, à long terme. Même si l’intérêt du public est présent, il n’est pas convaincu que cela pourrait se traduire par une régularité auprès des spectateurs à Québec.

Laurence Beaulieu
Ancienne joueuse professionnelle des Canadiennes de Montréal (LCHF), Laurence Beaulieu occupe maintenant plusieurs rôles clés dans le développement du sport dans la ville de Québec (photo : Cégep de Limoilou).

Pour sa part, Laurence Beaulieu est convaincue qu’une équipe de la LPHF pourrait fonctionner à Québec. Cette ancienne athlète professionnelle des Canadiennes de Montréal dans la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF) occupe présentement le poste de directrice au développement des joueuses pour Sports Loisirs Québec Nord-Est et est aussi entraîneuse adjointe de l’équipe de hockey féminin des Titans du Cégep Limoilou. Lors de ses études au D.E.S.S. en management du sport, Laurence Beaulieu s’est penchée sur la rentabilité d’un hypothétique retour des Nordiques de Québec.

Elle souligne que, contrairement à la Ligue Nationale de Hockey (LNH), la LPHF propose des billets abordables et a comme objectif de remplir les amphithéâtres le plus possible. Selon l’ancienne joueuse professionnelle, cette approche correspond parfaitement au profil démographique de Québec, qui se caractérise par de nombreuses jeunes familles plutôt que par une clientèle fortunée. Elle croit qu’à long terme, un nombre important de partisans pourraient être au rendez-vous à chaque partie.

Laurence Beaulieu attribue également le succès exceptionnel des Remparts dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ) et de l’équipe de football du Rouge et Or à l’absence d’équipe sportive professionnelle à Québec. « Les Remparts, c’est un produit extraordinaire qui marche à Québec, mais ce n’est pas normal qu’une équipe junior fonctionne autant », affirme-t-elle. Elle estime que ce vide crée une opportunité unique pour une équipe de la LPHF, qui pourrait bénéficier aussi d’un fort engouement.

Un marché viable pour la LPHF

Le directeur du Pôle sports et professeur titulaire au département de management de HEC Montréal, Eric Brunelle, croit lui aussi que la ville de Québec est un marché viable pour la LPHF, appartenant au groupe Walter. D’abord grâce à son amphithéâtre et à l’intérêt manifesté par la population lors du match présenté au Centre Vidéotron en janvier dernier. Mais aussi parce que les personnes qui assistent à un match de la LPHF ne viennent pas seulement voir du hockey, ils veulent vivre une expérience identitaire. « Le hockey féminin, c’est aussi une cause, c’est la place des femmes dans le sport », affirme M. Brunelle. Sur ce point-là, Québec se démarque de beaucoup d’autres villes, surtout avec la montée de la droite observée aux États-Unis actuellement, poursuit-il.

Éric Brunelle
Le directeur du Pôle sports de HEC Montréal, Eric Brunelle, est d’avis qu’une expansion de la LPHF à Québec est possible (photo : HEC Montréal).

Selon le professeur, la ville de Québec serait également une bonne option pour la LPHF en raison du modèle économique de la ligue. « La structure financière de coûts fait que c’est réaliste de penser que Québec pourrait avoir un club qui fonctionne bien, qui générerait des profits pour le groupe Walter », estime-t-il. Illustrée dans la carte interactive ci-dessous, la proximité géographique de la ville avec celles qui accueillent d’autres équipes, comme Montréal, Ottawa et Boston, joue aussi en faveur de la capitale nationale.

Est-ce que Québec peut être un marché? La réponse me semble évidente, oui.

— Eric Brunelle

M. Brunelle est convaincu que des commanditaires manifesteront leur soutien. Comme les montants pour s’associer à une équipe de la LPHF sont accessibles, le bassin d’investisseurs potentiels augmente. Il croit aussi que Québecor, qui administre le Centre Vidéotron appartenant à la Ville de Québec, pourrait être intéressé par des droits de télédiffusion et qu’une équipe de la LPHF procurerait du contenu pour ses médias.

Ève Ménard
Ève Ménard est étudiante à la maîtrise en psychopédagogie. Son mémoire porte sur la couverture médiatique de la LPHF au Québec (photo : Ève Ménard).

L’auxiliaire de recherche au Laboratoire de recherche pour la progression des femmes+ dans les sports au Québec, Ève Ménard, a étudié la couverture médiatique de la première saison de la Victoire de Montréal dans le cadre de ses travaux de maîtrise. Elle constate qu’une plus grande visibilité du hockey féminin contribue à augmenter l’engouement envers ce sport et influence la perception du public. Elle estime que le suivi régulier des performances de l’équipe par les médias a contribué à créer un sentiment d’appartenance parmi la population. Au-delà des résultats et des statistiques, les médias ont aussi mis l’accent sur l’avancement que représente la création de la ligue pour le hockey féminin. Ce narratif a pu créer un sentiment de fierté qui a incité la population à assister aux matchs.

Cet engouement ne serait pas sur le point de s’estomper, selon M. Brunelle, qui croit que la LPHF va s’enraciner tranquillement : « Tous les indicateurs nous laissent croire que ce n’est pas un feu de paille, c’est une vague de fond qui va perdurer ». La ligue prévoit prendre sa décision quant à son expansion pour la saison 2025-2026 au mois de mars.