Le projet artistique multidisciplinaire La montée des eaux a pris fin le 13 octobre dernier. Imaginé par les artistes Alice Guéricolas-Gagné et Mélina Kerhoas, il avait pour arrière-plan la vie communautaire du quartier Saint-Jean-Baptiste, dans la haute-ville de Québec. Alice Guéricolas-Gagné explique en quoi ce projet conjugue à la fois l’imaginaire et le réel.

D’entrée de jeu, le projet se présente sous une apparence assez inhabituelle. L’arrière-plan du projet est très particulier. Les créatrices ont en effet imaginé le quartier Saint-Jean-Baptiste sous la forme d’une île qui se retrouverait dans cette situation en raison d’une montée des eaux causée, on l’imagine, par les changements climatiques.

L’exposition rassemble une dizaine d’œuvres créées par l’artiste français Sébastien Brunel mettant en scène des paysages à la fois étranges et familiers de cette île imaginaire, désignée sous le nom de « République de Saint-Jambe ». Chacune de ces œuvres est accompagnée d’une micro-histoire écrite par Alice Guéricolas-Gagné, qui permet au lecteur de se plonger dans cet univers particulier.

Pour permettre au public de s’imprégner davantage de l’univers de Saint-Jambe, un parcours déambulatoire nocturne, accompagné de performances théâtrales et musicales, s’est tenu les 11, 12, 25 et 26 septembre derniers. Alors que les arts vivants sont mis à mal par la situation sanitaire actuelle, Alice Guéricolas-Gagné voit les choses autrement : « En faisant des groupes de petite taille, on a donné une expérience beaucoup plus intime. On demandait aux gens de maintenir un mètre d’imaginaire, d’être dans leur bulle à la fois sanitaire et créatrice. »

« La jeune femme mène sa démarche créatrice depuis 2013. Au cours d’un voyage à Lyon en 2018, elle a rencontré l’artiste Sébastien Brunel, qui avait mis en scène une « île » similaire son projet d’île « saint-jambienne » à partir de son quartier des Pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, qui rappelle beaucoup Saint-Jean-Baptiste. Ce dernier a ainsi accepté de collaborer à son projet. »

Réenchanter le réel par l’imaginaire

Les histoires racontées dans La montée des eaux sont issues d’autres histoires bien réelles. Alice Guéricolas-Gagné rappelle que la démarche de création du projet « a été basée sur ce que les gens du quartier avaient à dire. On a organisé des rencontres où on leur demandait comment ils l’imaginaient, cette République de Saint-Jambe. »

Les artistes n’ont pas voulu créer un univers complètement abstrait, mais plutôt « faire appel à l’imaginaire des gens pour repenser la vie dans le quartier ». Et parmi les idées qu’elles ont entendues, les toits verts et l’absence de voitures dans les rues revenaient bien souvent. Coïncidence, à proximité d’une des œuvres de l’exposition, on pouvait voir une pancarte du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste revendiquant une rue Saint-Gabriel entièrement piétonne…

Alors que la montée des eaux décrite par les artistes était surtout un prétexte pour faire appel à l’imagination, c’est plutôt deux vraies vagues pandémiques qu’aura connues le Québec de 2020. D’une façon bien différente que les créatrices ne l’auraient imaginé l’an dernier, leur projet aura trouvé une résonnance unique en cette année 2020.

Plusieurs commerces, ainsi que des citoyens et citoyennes du quartier, ont prêté leurs vitrines pour l’exposition. (Crédit photo : Félix Étienne)
Mélina Kerhoas (à gauche) et Alice Guéricolas-Gagné (à droite) combinent dans La montée des eaux théâtre, art visuel, projection et marionnettes. (Crédit photo : Festival Tout l’monde dehors, Lyon)