Les enseignants généralistes en voient de toutes les couleurs au Québec, mais la réalité est-elle la même pour les enseignants « spécialisés » ? Madame Rachel Grondines, enseignante suppléante en musique et étudiante au baccalauréat à l’Université Laval, estime que l’enjeu est double. En plus des défis dus à la pénurie, les enseignants en musique font face à d’autres contraintes tels que l’isolement et les charges de cours dispersées, surtout en région.

Malgré le manque criant d’enseignants, la plupart des postes réguliers requièrent de cinq à sept ans de suppléance au sein d’une même commission scolaire. Cette expérience acquise, les commissions pourvoient généralement les postes en fonction de l’ancienneté.

En plus de cette difficulté, les enseignants et suppléants en musique doivent aussi composer avec une réalité encore plus dure. Leur rôle de spécialiste fait en sorte que souvent, une école manque soit de candidats pour un poste donné, soit elle n’offre qu’une charge partielle. Une triste réalité du côté des régions, explique Mme Griondines : « Une collègue de Québec, attitrée à la commission Beauce-Etchemin, obtenait trois charges de cours à 25 % dans des écoles différentes, et devait faire en moyenne 45 minutes de voiture entre chacune de ses classes pour se rendre à la suivante. »

Beaucoup d’efforts pour une charge partielle, sans compter que les suppléants et enseignants en musique sont confrontés à la solitude. Contrairement aux généralistes, ils tiennent le fort seuls : pas de réunions d’enseignants, pas de partage de connaissances ni de matériel pédagogique. Leur tâche inclut souvent la conception complète du matériel pédagogique en se basant sur le guide d’enseignement. De plus, certaines commissions scolaires s’approprient ensuite le matériel sans compenser financièrement la propriété intellectuelle ainsi acquise.

Le poids complet du cursus repose sur les enseignants qui, la plupart du temps, n’ont pas encore terminé leurs études. À cela s’additionne le statut de suppléant, peu respecté tant par les élèves que par les enseignants réguliers. « Le statut de professeur de musique engendre beaucoup de conditions inusitées parce que c’est une « passion », comme des déplacements pour 30 minutes de cours », déplore madame Grondines.

Initiatives inutiles du gouvernement

Selon madame Grondines, les initiatives d’embauche à l’extérieur du Québec sont futiles. « Pourquoi un enseignant d’ailleurs viendrait-il au Québec ? Les salaires y sont moins élevés, on exige un français parfait, plus que la norme acceptable, et on ne reconnaît pas les équivalences », constate-t-elle. Un coup d’épée dans l’eau, en effet, lorsque l’on considère qu’un exode des enseignants a lieu. Cette dispersion des enseignants formés ici a lieu justement vers les autres pays ou provinces où le gouvernement québécois tente de recruter.

Madame Grondines croit également qu’un effort collectif des commissions scolaires doit être fait pour offrir des conditions normalisées à la hausse et pour que la profession obtienne davantage de respect. Tout comme pour la crise infirmière, une meilleure gestion des ressources disponibles dissiperait également, selon elle, plusieurs problèmes.