Depuis le 7 octobre, les étudiants peuvent accéder à la nouvelle formation en ligne sur les violences à caractère sexuel via monPortail. Créée par le Centre d’intervention et de prévention des violences à caractère sexuel (CIPVACS), la formation obligatoire a pour objectif de sensibiliser les étudiants, les enseignants et les employés sur les violences à caractère sexuel.

Afin de répondre au projet de loi 22.1 visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, l’Université Laval s’est dotée d’une formation en ligne destinée aux membres de sa communauté. La plupart des autres universités québécoises ont également adopté une politique similaire, mais l’Université Laval est la première à avoir créé une formation en ligne. Le contenu offert est basé sur des cas étant survenus sur le campus de l’université, et qui ont été traités par le Centre de prévention et d’intervention en matière de harcèlement (CPIMH) au cours des dernières années.

Christine Delarosbil, sexologue et coordonnatrice d’opérations au CPIMH, travaille depuis quelques années à la prévention des agressions sexuelles. Avec la collaboration d’une psychologue et de deux technopédagogues, ils se sont demandés à savoir quelles étaient les ressources disponibles sur le campus l’Université Laval, ainsi que les options offertes à l’extérieur. « L’organisme Sans oui, c’est non! proposait quelque chose qui n’était pas finalisé », explique-t-elle, « nous avons préféré aller de l’avant ». Son équipe a donc créé trois scénarios à l’aide de plusieurs professionnels du milieu, tels que l’organisme Viol-Secours.

 

 

La Confédération des Associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL) et l’Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AÉLIÉS) ont également été impliquées dans le processus. Elles ont été approchées par le CIPVACS pour produire une capsule sur la difficulté de dénoncer les violences à caractère sexuel. Au courant des prochains mois, elles auront également le mandat de promouvoir la formation, en collaboration avec les  différentes associations étudiantes facultaires.

Lydia Arsenault, vice-présidente aux droits étudiants de l’AÉLIÉS, mentionne que leur objectif est « d’encourager les étudiants à compléter la formation de manière sérieuse. » Toutefois, cette dernière est consciente qu’il sera plus difficile de rejoindre les étudiants aux cycles supérieurs, car ils ont moins de cours sur le campus : « Il faudra faire un effort supplémentaire pour ces personnes-là. Par exemple, on va devoir leur rappeler de faire la formation par l’intermédiaire de notre infolettre. »

Les étudiants et les professeurs doivent suivre la formation directement sur leur portail. À cet effet, la Direction des technologies de l’information s’est assurée d’avoir des listes d’accès à jour pour rejoindre les 50 000 personnes qui suivront la formation. Le bureau de soutien à l’enseignement, responsable de monPortail, a également aidé à la création du site de cours. « Beaucoup de gens ont participé à la formation. On pense que cela va permettre de rejoindre plus facilement les gens », soutient Mme Delarosbil.

Un premier test de la formation a eu lieu en août. Un groupe restreint de personnes l’ont suivie et commentée. Les créateurs ont ainsi recueilli une centaine de commentaires qui ont servi à réajuster le tir. Le produit final a donc été rendu disponible le 16 septembre pour le corps professoral et les employés de l’Université, puis le 7 octobre pour les étudiants. De plus, l’équipe du CIPVACS recueillera, tout au long de l’année, les commentaires des étudiants.

Les professeurs impliqués

Cette année, la formation offerte aux enseignants et aux étudiants est la même. Par la suite, l’équipe évaluera si des formations plus ciblées ont lieu d’être. « Le rôle du professeur est de favoriser le déploiement de la formation et d’accompagner les étudiants lorsqu’ils la feront », déclare Mme Delarosbil. Le CIPVACS vise à ce que les enseignants inscrivent la formation à leurs plans de cours et connaissent les ressources afin de les donner aux personnes qui en ont besoin, le cas échéant. « C’est vraiment juste une promotion qu’on leur demande de faire », assure-t-elle.

Ces derniers devront néanmoins être en mesure de répondre aux questions des étudiants. De plus, le professeur devra faire exécuter des travaux à ce sujet ou encore libérer les étudiants 45 minutes plus tôt afin que ces derniers la complètent aisément dans un endroit où ils se sentiront bien. Les enseignants ciblés sont ceux qui enseignent à la première année un cours de tronc commun, tous programmes confondus. Mme Delarosbil affirme que « certains professeurs se questionnent, à savoir comment introduire la formation, principalement dans un souci de bien faire. » Bien que la formation soit disponible depuis le 16 septembre pour les enseignants, ceux contactés pour une demande d’entrevue ont refusé de commenter ou de répondre à nos questions. D’autres disaient ne pas être à l’aise de s’ouvrir sur le sujet.

La directrice générale de Viol-Secours, Julie Tremblay, rappelle que les professeurs devront faire preuve de sensibilité, puisqu’il ne faut « jamais oublier qu’il y aura toujours des victimes dans l’assistance ». Cette dernière ajoute que la formation aborde un enjeu à prendre au sérieux : « Les agressions sexuelles sont une forme de violence pointue qui nécessite une connaissance des enjeux les concernant. Il faut être conscient de ses propres mythes et préjugés par rapport à celles-ci avant de pouvoir aider ses étudiants ».

 

Julie Tremblay, directrice générale de Viol-Secours, croit que la formation en ligne est « un pas dans la bonne direction » . (Crédit photo : Myriam Boulianne)

 

Le processus de formation est obligatoire, mais non coercitif. Un suivi très rapproché est donc fait auprès des étudiants par le CIPVACS, avec des rappels constants par courriel. L’année prochaine, l’organisme compte évaluer si une stratégie de coercition ou de récompense devrait être adoptée. « Dans l’optique de faire de la prévention et de changer les mentalités, ce n’est pas la coercition qui est le plus efficace. On veut des gens volontaires et intéressés à suivre la formation », souligne Mme Delarosbil.

Une formation conforme à la loi

La formation obligatoire est le résultat d’un long processus d’enquête et de sensibilisation à l’échelle provinciale. Dans la nuit du 15 octobre 2016, une vague d’agressions sexuelles est survenue dans les résidences du Pavillon Alphonse-Marie-Parent de l’Université Laval. Suite à cet incident, une enquête a été effectuée par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Les résultats démontrent que quatre étudiant.es sur dix avaient rapporté avoir vécu un geste de violence sexuelle dans le contexte universitaire depuis leur arrivée à l’Université Laval.

 

Selon le rapport de l’Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire publié en 2017, 4 étudiant.es sur 10 rapportent avoir vécu au moins un geste de violence sexuelle dans le contexte universitaire depuis leur arrivée à l’UL. (Crédit photo : ESSIMU-UL)

 

Les agressions survenues en octobre 2016 sont en grande partie à l’origine du processus législatif mis en branle. Le 1er novembre 2017, la ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Hélène David, dépose le projet de loi 151, visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur. Celui-ci est par la suite adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 8 décembre 2017, devenant officiellement la loi 22.1. La nouvelle loi impose à tous les collèges, CÉGEPS et universités du Québec de se doter, d’ici janvier 2019, d’une politique explicite sur les violences à caractère sexuel destinée à l’ensemble du corps professoral et aux étudiants. Cette politique devait être mise en œuvre au plus tard le 1er septembre 2019.

 

Suite à la vague d’agressions sexuelles survenues à l’Université Laval, une quinzaine de plaintes d’agressions sexuelles et d’entrées par effraction avaient été déposées. (Crédit photo : Myriam Boulianne)

 

Dès lors, la Politique pour prévenir et combattre les violences sexuelles à l’Université Laval est adoptée par le Conseil d’administration, afin de se conformer à la nouvelle loi. Visant à regrouper les services et les ressources disponibles en matière de violence sexuelle dans un endroit connu et facilement accessible sur le campus, cette politique prévoit la création du CIPVACS. Elle prévoit également la création d’une équipe multidisciplinaire concertée ainsi que la formation d’une table de concertation permanente sur les violences à caractère sexuel.

Concordia emboîte le pas

L’Université Concordia a également lancé une formation en ligne en août 2019. Pour sa part, la communauté universitaire avait jusqu’au 4 octobre 2019 pour la compléter, au risque de voir leur accès bloqué sur leur portail MyConcordia.

Cette université donne deux versions différentes de la formation : une pour les élèves, une pour les employés et les enseignants. La possibilité leur est également offerte de suivre la formation en groupe avec le Centre d’aide aux survivantes et survivants d’agression sexuelle (SARC).

Une autre spécificité de la formation de l’Université Concordia est son bouton « le sujet me bouleverse », destiné aux personnes qui se sentent boulversés par le contenu de la formation. Elles pourront aussitôt se faire offrir un soutien psychologique ou quitter la section en cours afin de la terminer un autre jour.