Les artisans du milieu culturel se sont réinventés en se tournant vers les spectacles virtuels, pandémie oblige. Le plus grand défi des promoteurs est de convaincre les artistes à se produire sur scène malgré l’absence d’un public. Sans faire l’unanimité chez les artisans, cette nouvelle formule permet d’assurer la survie de l’industrie, affirme Karl-Emmanuel Picard, copropriétaire de L’Anti Bar & Spectacles et fondateur de l’entreprise District 7 Production.

Karl-Emmanuel Picard a organisé 41 concerts virtuels depuis le 9 mai dernier et a vendu des billets dans plus de 32 pays. « C’est ce que j’aime des concerts virtuels. On est capable d’offrir nos spectacles partout dans le monde. C’est bénéfique pour les artistes et le public », explique le promoteur.

Alors que plusieurs artistes demeurent sceptiques face à l’idée de se produire sur scène de manière virtuelle, Karl-Emmanuel Picard les invite à donner une chance à cette nouvelle formule. « Après leur première prestation virtuelle, les artistes sont vite rassurés et souvent, ils veulent répéter l’expérience. C’est une formule qui peut être payante pour les artistes. Actuellement, c’est la seule option qui s’offre à eux », rappelle-t-il. 

Cette nouvelle formule a permis au copropriétaire de L’Anti Bar & Spectacles d’apprendre à mieux connaître les artistes invités. « La relation avec les artistes est très importante. Avec les concerts virtuels, ils arrivent plus tôt et on a le temps de faire un barbecue sur la terrasse. On apprend à se connaître. Autrefois, tout allait très vite et on avait moins le temps de socialiser », souligne-t-il. 

S’ajuster à la nouvelle réalité

L’auteur-compositeur-interprète Dany Asselin, du groupe de musique émergent de Québec, Ombre!, s’est produit en spectacle virtuel à L’Anti cet automne. C’était l’occasion pour lui d’effectuer le lancement de son plus récent EP nommé « Les grands vents ». Au départ, le guitariste et chanteur n’était pas convaincu de la formule offerte par les promoteurs de spectacles en ligne.

« J’avais des doutes sur la qualité de production et le rendement professionnel obtenu. » – Dany Asselin

Le jeune musicien s’est laissé convaincre lorsqu’il s’est mis à écouter plus attentivement des spectacles produits par l’Anti Bar & Spectacles. « C’est le professionnalisme et les résultats convaincants qui m’ont rassurés », confirme-t-il. 

Dany Asselin et son groupe Ombre! ont donné un spectacle virtuel à L’Anti Bar & Spectacles, le 10 octobre 2020. (Crédit photo courtoisie : Jacques Boivin)

Le groupe Ombre! n’avait aucune tournée prévue à son agenda. Ainsi, la prestation virtuelle s’est avérée être une bonne solution pour le lancement du EP qui a été rendu disponible au mois d’août. L’artiste a profité de la période de temps entre la mise en ligne du projet sur les plateformes de diffusion et son spectacle pour améliorer la complicité avec son groupe. « En attendant le spectacle, on a vraiment travaillé sur notre show pour le rendre le plus dynamique possible », renchérit Dany Asselin. Il a aussi profité de cette période morte pour faire une tournée de promotion dans plusieurs médias culturels.

Le musicien avoue que d’interpréter ses chansons sans la présence de spectateurs peut être difficile. « D’habitude, c’est la foule qui te donne de l’énergie », soutient-il. Malgré l’absence d’un public, jouer devant les caméras et un photographe s’est avéré être une véritable décharge pour l’artiste. « Sur place, c’était vraiment un gros jam avec le band. Ce que j’ai retenu de cette expérience, c’est que de se produire dans un contexte difficile donne des outils pour le futur », raconte le musicien. 

Afin que les spectacles virtuels soient plus dynamiques, Dany Asselin souligne que l’on pourrait opter pour une formule hybride, lorsque les règles sanitaires en vigueur le permettront. Il projette également  d’organiser un spectacle dans une région qui n’est pas en zone rouge. 

Garder le contact avec le public 

Au fil de ses entrevues avec des artistes de différents milieux, Gabrielle Morissette, animatrice culturelle de l’émission Chéri(e) j’arrive ! diffusée sur les ondes de CHYZ 94,3 FM, a remarqué que les concerts en ligne offrent un compromis pour les personnes intéressées par les arts et spectacles. 

Pour Gabrielle Morissette, l’animatrice de Chéri(e) j’arrive! à CHYZ 94,3, les concerts virtuels sont une belle preuve de la créativité et de la débrouillardise des artistes de tous les milieux. (Crédit photo : Xavier Gagnon)

Consommatrice de théâtre et de danse, elle a eu l’occasion d’assister à quelques prestations en ligne. Elle admet que cette nouvelle formule n’est pas évidente, ni pour les artistes ni pour le public.

« Les artistes doivent s’habituer à établir un contact avec la caméra, au lieu du public. Ce n’est pas évident pour tout le monde. » – Gabrielle Morissette 

Pour Gabrielle Morissette, si l’expérience reste agréable, elle n’est pas optimale : « c’est la chanson que tu aimes et c’est le visage que tu aimes, mais tu n’es pas là avec le reste des gens qui tripent avec toi ». En outre, pour les personnes qui écoutent ces évènements sur leur ordinateur ou sur leur télévision, il peut évidemment survenir des problèmes techniques, qui rompent le contact que les artistes essaient de garder avec leur auditoire au travers d’un écran. 

Selon Gabrielle Morissette, il est crucial pour les musiciens de maintenir le contact avec leurs auditeurs pour le reste de la pandémie. « Il faut se garder actif et continuer d’être présent ; continuer à donner à ton public pour ne pas tomber aux oubliettes », précise l’animatrice.