Plusieurs recherches au Québec ont montré que le nombre de commotions cérébrales liées à la pratique d’activités sportives concerne moins d’un individu sur cent, accidentés. Camille Tremblay-Antoine, finissante en communication publique à l’Université Laval, fait partie des personnes concernées par cette situation sans avoir subi cette blessure durant une activité sportive. Elle fait état d’un mal invisible aux yeux des autres, mais réel à l’intérieur.

« Une commotion cérébrale, qu’elle soit reliée par un trauma provenant du sport ou non, sera un trauma direct ou indirect qui est induit au cerveau. Il s’agit d’une onde de choc qui va amener le cerveau à avoir un impact contre les parois de la boîte crânienne », explique Jean-Michel Leblanc, physiothérapeute à la clinique Cortex, de Québec.

La commotion est un phénomène de rotation par une accélération et une décélération. Cela va créer le traumatisme et non la force en tant que telle de l’impact. On décèle trois différentes catégories de traumatisme craniocérébral, expliquées dans l’animation qui suit. 

Des symptômes immédiats

Après six mois de suivi en neuropsychologie et auprès de son médecin, Camille Tremblay-Antoine a retrouvé toutes ces capacités en termes de concentration et de mémoire. (Crédit photo : Malika Schneider)

Le 15 août dernier, Camille Tremblay-Antoine a été percutée par une voiture qui circulait à une vitesse de 120 km/h. Quelques instants après l’impact, les symptômes se sont immédiatement fait ressentir, explique-t-elle.

Les symptômes peuvent apparaître jusqu’à 72 heures après l’impact. Cependant, c’est plus rare quand ils apparaissent aussi tardivement. En effet, selon Jean-Michel Leblanc, physiothérapeute, « on va avoir des symptômes qui vont arriver dès la première seconde, sinon ça va plus se détériorer. » La symptomatologie  (se retrouve sous trois catégories distinctes.

Crédit infographie : Malika Schneider

Toute une éducation à faire

« J’étais vraiment perdue, j’avais de la difficulté à suivre mes cours, faire mes lectures. Tous les écrans me donnaient mal à la tête, ça a été assez difficile. Ça a pris six mois avant que je puisse dire :  je n’ai plus de commotion cérébrale, ma tête est normale. » – Camille Tremblay-Antoine

« Ce n’est pas vrai que ça prend une journée ou deux pour se rétablir », s’insurge Marie-Christine Ouellet, professeure agrégée à l’École de psychologie de l’Université Laval et chercheuse au sein du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS). Elle explique notamment que cela peut prendre des semaines voire des mois pour certaines personnes avant d’atteindre un rétablissement complet. Toutefois, les discours habituels  suggèrent que les symptômes s’atténuent dans les plus brefs délais, alors que ce n’est pas le cas. À la suite d’une commotion cérébrale, il est nécessaire que les patients prennent le temps de se rétablir, et ce, sans forcer la réhabilitation , précise Madame Ouellet.

La Dre Michelle McKerral, neuropsychologue et Mme Geneviève Léveillé, ergothérapeute ont précisé dans la Revue de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec : « 10 % à 15 % des cas, les symptômes persistent après la période habituelle de récupération de trois mois. »

Camille Tremblay-Antoine, atteinte d’une commotion cérébrale en août 2016, fait état des difficultés qu’elle a rencontrées dans son environnement universitaire et auprès de son entourage. Elle soutient notamment que les commotions cérébrales en dehors d’une pratique sportive sont très peu connues de la société dans son ensemble .

 

Des cas particuliers

Certaines études ont démontré que des années et des années après un traumatisme craniocérébral (TCC) léger, certains patients présenent encore des altérations possibles au niveau cérébral. « Il ne faut pas non plus être alarmiste », s’exclame Madame Ouellet,  chercheuse du CIRRIS. Par exemple, un symptôme comme la fatigabilité, fait en sorte que l’individu doit utiliser plus d’énergie afin de recruter les régions cérébrales afin de fonctionner « normalement ». Les personnes atteintes de TCC léger arrivent souvent à le gérer progressivement.

Il est toutefois difficile pour les professionnels de la santé qui traitent les traumatismes craniocérébraux d’établir des balises précises. En effet, chaque commotion cérébrale est unique. « On s’attend quand même que la majorité des gens fonctionnent relativement bien », précise la chercheuse. Ce qu’on ne veut pas justement, c’est que les personnes aient d’autres volets problématiques qui s’installent, comme la dépression.

Le CIRRIS a pour mission de contribuer au développement et à la diffusion des connaissances dans le domaine de l’adaptation, de la réadaptation et du soutien à l’intégration sociale. (Crédit photo : Malika Schneider)

En considérant ces différents facteurs, Madame Ouellet souligne l’importance de faire de la prévention concernant cette problématique. « Il faudrait peut-être dire aux gens à quoi ils peuvent s’attendre pour pas qu’ils se mettent à devenir très anxieux, si ça ne va pas très bien au travail ou que la situation n’évolue pas », précise-t-elle. De nombreux préjugés face aux commotions cérébrales sont présents au sein de la société actuelle. Informer les gens des réalités qui suivent un traumatisme craniocérébral léger, modéré ou grave serait déjà une grosse étape, selon la chercheuse.

Et dans le sport ?

M.Leblanc, physiothérapeute au sein de la Clinique Cortex, décèle une seule différence entre les individus qui ont subi une commotion cérébrale par la pratique sportive et les autres. Selon lui,  l’aspect psychologique a un impact non négligeable sur l’évolution de la commotion cérébrale. « Si un individu est en litige avec son travail, il ne veut pas nécessairement retourner travailler. Sans en avoir conscience, ses symptômes peuvent se prolonger », explique-t-il. Dans le cas des sportifs, l’adrénaline du sport et le manque de compétition les amènent à récupérer « peut-être plus rapidement que les autres individus. »

Le physiothérapeute explique notamment qu’un accident de voiture peut occasionner un stress post-traumatique qui peut amener un certain dysfonctionnement cognitif, relatifs à la connaissance tels que la perception, la mémorisation, le raisonnement, la résolution de problèmes et les processus de la pensée au repos, comme le cas de Camille Tremblay-Antoine.

Conséquences irréversibles ?

Aucune étude ne démontre jusqu’à présent qu’une commotion cérébrale peut être irréversible. Jean-Michel Leblanc soutient que « même si on enlève une partie du cerveau, on est capable d’utiliser les autres endroits du cerveau pour compenser la partie manquante. » Toutefois, le psychothérapeute souligne que certains individus peuvent vivre avec certaines séquelles durant quelques mois, voire quelques années.

Les différents professionnels de la santé rencontrés s’accordent sur le fait qu’« informer les citoyens des conditions d’évolution d’une commotion cérébrale est d’une importance cruciale face à la guérison de celle-ci. » Les patients peuvent ainsi mieux comprendre les différents enjeux en lien avec leur traumatisme. Plusieurs défis restent toujours à réaliser, comme tenter de trouver des éléments qui peuvent prédire à plus long terme, qui va bien s’en sortir ou qui va moins bien s’en sortir, par exemple.