Le 11 janvier dernier, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé un changement majeur à l’algorithmede la plateforme. Dorénavant, le fil d’actualité des utilisateurs présentera moins de contenu venant des pages publiques et des médias, alors qu’une place plus importante sera accordée à ce que nos amis partagent ou écrivent. Ce changement viendra non seulement modifier nos habitudes numériques, mais aura aussi un énorme impact sur les médias qui utilisaient la plateforme sociale comme un moyen de partager leur contenu.

Les médias risquent de voir la visibilité de leurs articles diminuer grandement à la suite de ce changement à l’algorithme. En effet, les nouvelles n’apparaîtront plus sur le fil d’actualité des utilisateurs à moins qu’elles ne soient largement commentées ou partagées. Les utilisateurs de Facebook verront moins d’articles de nouvelles apparaître sur leur fil d’actualité.

Gilles Carignan, rédacteur en chef du quotidien Le Soleil, semble d’ailleurs s’en inquiéter. Il explique que les « articles diffusés sur Facebook amènent du trafic sur [leurs] plateformes numériques ». C’est donc une perte de visibilité potentiellement importante qui attend les médias québécois.

Gilles Carignan continue en expliquant que « Facebook est une façon d’aller rejoindre d’autres lecteurs à Québec et au Québec », soit des gens qui ne s’informent sur aucune autre plateforme que le géant américain. Il explique aussi que de partager des articles sur Facebook « est une façon de rajeunir le lectorat ».

Sébastien Charlton, chercheur au Centre de recherche des médias de l’Université Laval, a d’ailleurs suggéré dans une étude publiée en 2013 que les jeunes Québécois (de 34 ans et moins) consomment beaucoup plus information sur internet que leurs aînés (35 ans et plus). Le format du nouvel algorithme pourrait donc avoir des effets à la baisse sur la consommation de nouvelles chez les jeunes.

Dans la même étude, les chercheurs avancent aussi que la communauté québécoise en est une qui s’informe particulièrement sur les réseaux sociaux. Sébastien Charlton et son équipe avancent que 66,4 % des adultes ont lu des nouvelles sur les réseaux sociaux, une hausse de presque 5 % par rapport à 2011. Ce nouvel algorithme pourrait donc avoir pour conséquence que certaines personnes perdront leur principale méthode d’accès à l’information.

Facebook et les médias : « une relation amour-haine »

En partageant leurs articles sur Facebook, les médias doivent renoncer à une certaine partie de leurs revenus publicitaires. Une entreprise médiatique et les médias se financent tous deux « à même leurs revenus publicitaires », explique Sébastien Charlton. En publiant sur Facebook, les médias y concèdent donc une grande partie de leurs revenus. En contrepartie, ils peuvent bénéficier de la visibilité offerte par Facebook. Un choix peu avantageux, mais rendu nécessaire dans le contexte actuel.

Recettes publicitaires des sites internet – Source : Canadian Media Concentration Project via Le miroir éclaté

Gilles Carignan explique en fait qu’il s’agit d’une « relation amour-haine entre Facebook et les médias ». Il soutient que « les médias ont besoin de Facebook », mais que l’entreprise américaine « encaisse des revenus faramineux grâce à la popularité de son fil dont les médias font partie ». Le rédacteur en chef affirme même que « Facebook nuit aux journaux, car les revenus publicitaires y sont redirigés », mais que « les journaux ont besoin de Facebook pour la visibilité et le nouveau lectorat qu’il procure ».

 

Avec ce nouvel algorithme, les médias pourraient voir diminuer encore plus le nombre de visites provenant de Facebook. Les médias devront donc s’assurer de développer de nouvelles stratégies, soutient Sébastien Charlton, comme des contenus plus facilement partageables sur la plateforme, afin de continuer à apparaître sur les fils d’actualité.

 

Les médias ont eu moins de visibilité grâce à Facebook en 2017. Source : Parse.ly

 

Les fausses nouvelles derrière ce changement

Mark Zuckerberg a annoncé ce changement à l’algorithme dans une publication sur sa page Facebook personnelle. Il y affirme vouloir retourner aux origines et à la raison d’être de Facebook en favorisant les interactions entre amis. Les pages publiques ayant pris une ampleur sans précédent au cours des dernières années, Facebook s’éloignait de l’objectif initial qui était de rapprocher les gens.

Les raisons derrière cette modification pourraient tout de même aller plus loin qu’un simple retour aux sources. En effet, l’année 2016 a été difficile pour Facebook certaines de ses actions ayant été grandement critiquées dans le cadre des élections américaines. Le phénomène des fausses nouvelles est devenu plus important que jamais. Un phénomène causé principalement par les partages Facebook.

Dans un document remis au Congrès américain, ainsi que sur son blogue « Hard questions », Facebook admet que des groupes russes ont acheté des publicités sur la plateforme qui visaient « à amplifier des sujets de controverse sur l’ensemble du spectre politique » a expliqué Joel Kaplan, responsable des politiques publiques de Facebook aux États-Unis, dans un entretien au New York Times. Ces publicités ont donc participé à aggraver le climat politique déjà tendu lors élections américaines.