Il promettait le « vrai changement » dans sa campagne électorale. Son style et son aisance médiatique détonnent par rapport à son prédécesseur conservateur. Mais au-delà des formules sémantiques et de sa communication, le nouveau Premier ministre canadien sera-t-il véritablement plus soucieux de l’environnement que Stephen Harper alors que les sables bitumineux représentent une manne financière difficilement contournable ?

Stephen Harper en avait fait l’alpha et l’oméga de son action politique. Durant son passage au 24 Sussex (2006-2015), l’industrie des sables bitumineux d’Alberta, son fief politique, a connu un essor exponentiel. Qu’importe si les sables bitumineux sont considérés comme la technique d’extraction la plus néfaste pour l’environnement. Stephen Harper s’en souciait peu et certains membres de son entourage étaient ouvertement climatosceptiques. En 2011, il fait ainsi sortir le Canada du protocole de Kyoto, évitant ainsi de payer plusieurs milliards de dollars d’amendes.

Aujourd’hui, le secteur énergétique au Canada pèse pour 10 % de son PIB. Sa réserve de pétrole en Alberta est la troisième plus importante au monde. Mais les infrastructures pour désengorger l’Ouest canadien de cette manne pétrolière manquent. Si bien que pour permettre son développement, différents projets de pipelines sont en débat depuis plusieurs années.

L’oléoduc Énergie Est

Avant d’arriver au pouvoir, le nouveau Premier ministre libéral avait pris des positions différentes au fil du temps, laissant planer un certain flou sur ses convictions en la matière. Il avait initialement appuyé le projet d’oléoduc de TransCanada, Énergie Est, avant de nuancer ses propos lors de sa campagne, affirmant ne pas lui offrir un « soutien inconditionnel ». Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral affirmait vouloir revoir le processus d’études d’impact environnemental, sans donner plus de précisions sur les conséquences éventuelles sur le projet.

Ses adversaires n’avaient pas manqué de relever ce manque de précision. D’autant plus qu’à quelques jours du scrutin, le coprésident de sa campagne nationale, Daniel Gagnier, a été démissionné suite à la fuite dans la presse de ses conseils adressés à TransCanada pour éviter tout retard du projet en cas d’élection du Parti libéral.

L’enjeu est colossal. Le projet prévoit d’acheminer quotidiennement sur 4600 kilomètres 1,1 million de barils de pétrole de l’Alberta vers des raffineries du Québec et des terminaux portuaires du Nouveau-Brunswick. Le port pétrolier qui devait être construit à Cacouna, en pleine réserve de bélougas, a lui finalement été abandonné, au grand soulagement des écologistes.

Keystone XL : suite et fin ?

Le sort de Keystone XL, qui fait couler beaucoup d’encre depuis 2008, semble en revanche scellé tant qu’Obama sera à la Maison-Blanche. Ce projet d’oléoduc transfrontalier de 1900 kilomètres de long devait cette fois acheminer le pétrole albertain vers le Nebraska aux États-Unis. Opposé de longue date aux sables bitumineux, Barack Obama a une nouvelle fois rejeté la mise en œuvre du pipeline au début du mois. Justin Trudeau, favorable au projet, s’est dit alors « désolé de cette décision ».

Le gouvernement Trudeau s’est engagé à « assumer sa responsabilité » pour lutter contre les changements climatiques. Le Premier ministre libéral entend prouver que l’exploitation des sables bitumineux et la protection de l’environnement ne sont pas incompatibles. Reste désormais à trouver le bon dosage politique pour combler les attentes environnementales de ses électeurs tout en continuant l’exploitation des sables bitumineux. Une position de funambulisme difficilement tenable.