QUÉBEC — Au total, 10 professionnels de l’information se sont interrogés une nouvelle fois sur le traitement actuel de l’information internationale au Québec dans le cadre du congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le samedi 23 novembre à Québec.

La carence est criante, mais de nouvelles niches d’information internationale voient le jour, et malgré les statistiques effroyables d’Influence communication sur le sujet, cette information intéresse les Québécois. 

«L’information internationale, le parent le plus pauvre? Est-ce que le point d’interrogation à cette question est nécessaire?», a immédiatement lancé Florian Sauvageau, professeur à l’Université Laval. «L’histoire n’est pas nouvelle et Influence communication est formel sur ce sujet. L’information internationale est au 19e rang des sujets traités dans les médias québécois et 80 % de celle-ci est faite par la Presse et Radio-Canada », a-t-il poursuivi. «La situation financière des médias régionaux est très mauvaise et ils se rabattent sur les faits de proximité. L’information internationale en fait les frais», a conclu sa mise en contexte. 

Selon Jean-François Lépine, «cette décroissance de l’information internationale va à l’encontre de ce qui se passe dans le monde. Nos entreprises sont fermées. Est-ce bien sain dans un monde où l’interdépendance est aussi forte? Dans une maison qui n’a pas de fenêtres, il fait sombre et ça sent le renfermé. Est-ce ce qu’on souhaite pour la société québécoise?» L’intervenant précise également que l’intérêt pour l’information internationale a connu des cycles à travers l’histoire et il ne désespère pas d’un retour en force. Il insiste également sur l’ouverture énorme des médias des pays émergents comme l’Inde et la Chine à l’information internationale. «Je pense que c’est une question de choix plus que d’argent. Il y a 30 ans, une couverture à l’internationale demandait deux ou trois fois plus de monde sur le terrain. Avec les révolutions technologiques et notamment Internet, le travail à l’international est fluidifié et malgré tout moins coûteux!», a-t-il conclu.

«On assiste à l’ouverture de niches de journalisme international spécialisé», a lancé Yan Cimon, professeur agrégé de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. «Les chefs d’entreprises ont besoin de comprendre les dynamiques des marchés de l’industrie à l’étranger. Où fait-on de l’argent actuellement? Ils ont besoin d’informations stratégiques pour faire avancer leurs carrières!», a-t-il insisté. 

Selon Jocelyn Coulon, directeur du réseau de recherche sur les opérations de paix affilié à l’Université de Montréal, il faudrait une valeur ajoutée à l’information internationale pour la réintégrer aux médias et intéresser l’audimat. «Cela est de la responsabilité des journalistes qui doivent savoir vendre leur travail ainsi que des responsables des médias pour une considération plus forte de ces sujets», a-t-il expliqué.  L’information internationale est aujourd’hui un produit d’élite. Ce n’est pas normal dans le contexte de mondialisation actuel», a-t-il conclu. 

«Comment traitons-nous l’international dans ce contexte? Prenons le cas de l’Afrique par exemple. Si une élection se passe sans bain de sang, on en entendra jamais parler. On arrive à des stéréotypes et une vision complètement folklorisée des événements dans ces pays», a lancé Dominique Payette, professeure au Département d’information et de communication de l’Université Laval. L’intervenante insiste sur la nécessité de replacer cette information dans un contexte pédagogique et de rendre intéressant ce qui est important. Cette vision se heurte à celle de Michel Cormier, directeur général de l’information à la Société Radio-Canada. «On ne traite plus l’amont de l’actualité internationale. On envoie du monde ponctuellement pour des raisons financières, mais je ne pense pas que ceci nous empêche d’avoir des reportages de fond conséquents», a-t-il expliqué. Quant à Jean-Fréderic Légaré-Tremblay, journaliste indépendant, il évalue que «le Québec est dans un splendide isolement. La situation des pigistes, précise-t-il, se réduit à savoir ce qui va plaire aux patrons de presse. Pas d’espace, pas de suivi dans le domaine international. Je crois que l’information internationale intéresse, car on connaît le journaliste qui la fait. Un journaliste qui gagne les auditeurs et qui prend la forme d’un messager de confiance.» 

Alexandre Sirois, responsable de la section monde à La Presse,  a pour sa part conclu : «Nous ne devons pas sous-estimer les lecteurs et les Québécois. Contre toute attente, ils aiment l’information internationale. Figurez-vous que nos pages internationales sont les plus consultées. Le monde est ici. L’impact extérieur sur nos quotidiens est journalier. Le journaliste trahit sa mission s’il n’informe pas les gens sur l’international», a conclu Alexandre Sirois.